Le baron Edmond de Rothschild est une des personnalités marquantes de l’histoire contemporaine d’Israël. il jouera un rôle sans précédent dans l’avenir du pays. Fondateur de la maison française des Rothschild, Edmond a très tôt manifesté de l’intérêt pour les idées, l’art, l’archéologie, l’innovation plus que pour la banque et fut avant tout un philanthrope et un mécène.
Très attaché au judaïsme, il s’est intéressé à de multiples œuvres juives en Palestine Ottomane, tout en prenant une part active au développement du judaïsme français.
Son engouement pour la création d’un pays pour les Juifs où ces derniers seraient autonomes commence dès l’époque de la première Aliyah, en 1882, soit 15 ans avant la fondation du Congrès sioniste par Théodore Herzl. L’affaire de Damas, en 1840, accélère sa prise de conscience et les pogroms en Russie le choque tout particulièrement. Porter secours sera au cœur de de son action en industrialisant la Palestine : il fallait donner des moyens à ces Juifs de s’installer honorablement sur leur terre ancestrale, apprendre un métier et subvenir à leurs besoins. Dès cette période, il se consacre alors à la fondation et au soutien des premières colonies, en commençant par Rishon LeZion où il établira le vignoble Carmel.
Son projet est la première véritable start up du pays : donner du travail à ces pionniers, des formations professionnelles agricoles et des bourses d’études. L’agronome botaniste Aharon Aaronsohn, de réputation mondiale, habitant Zichron Yaakov, étudiera en France grâce au Baron et découvrira plus tard l’origine du blé sauvage. Le baron a de hautes ambitions pour le Yishuv et met en place une structure solide de fonctionnaires afin d’aider ces pionniers sans expérience à s’adapter à un climat chaud, une terre aride en manque d’eau mais marécageuse aussi, où sévit la malaria.
Plusieurs initiatives verront le jour : faire du parfum de Jasmin dans la moshava de Binyamina — localité agricole qui porte son nom, située sur les flancs du Carmel —, y installer des Juifs des pays du Caucase qui travailleront les terres dans le sens de ce projet ; faire du parfum de rose à Yesod Ha Maala, en Galilée ; planter des muriers pour produire de la soie dans de nombreuses localités.
La production du vin Carmel commencera à Rishon LeZion mais s’étendra rapidement dans la région du Carmel, à Zichron Yaakov, petite moshava qui porte le nom de son père — James Jacob Méïr de Rothschild. Zichron Yaakov sera établi par des Roumains qui achèteront les terres de Zamarin. Se trouvant confrontés à d’énormes difficultés, après avoir demandé de l’aide au Baron Hirsh, ils se tournent vers le Baron Edmond de Rothschild qui, par le biais de ses fonctionnaires, encadrera ces agriculteurs avec des prêts bancaires sous conditions. Il fera planter des vignes venues de France mais celles-ci souffriront d’un parasite : le Phylloxera. On importera donc les pieds de vignes des États-Unis.
Le vin Du Mont Carmel sera un succès, pourquoi donc ne pas l’exporter ? Qui dit vin dit bouteilles et le Baron construira une usine à Tantura — aujourd’hui musée d’archéologie maritime du Kibbutz Nahsholim. Cette activité fait travailler beaucoup de monde et si les Phéniciens produisaient ici du verre il y a des millénaires, pourquoi pas lui ?! Méïr Dizengoff, alors jeune chimiste ayant rencontré le Baron pendant ses études à Paris, sera directeur de l’usine — la mizgaga — pendant quelques années, avant de devenir Shaliakh, puis, plus tard, le maire mythique de Tel Aviv. Hélas, le sable de cette région produisant des bouteilles d’une couleur sombre et peu amène, l’usine fermera ses portes après quelques tentatives.
Les fonctionnaires du Baron en Éretz Israël auront mauvaise réputation auprès des pionniers sionistes, souvent hautains et intransigeants, habillés en redingote, parlant français et non hébreu, arborant une moustache coquette, décidant de la pluie et du beau temps et ayant peu de sympathie pour ces paysans qui se soulèveront contre eux.
Le Baron, toujours à l’écoute et attentif à la réussite de son projet sioniste, mettra fin à ce système et créera, avec le Baron Hirsh, une association du nom de ICA — Jewish Colonization Association — qui aidera et favorisera l’immigration des Juifs. On choisira désormais des personnalités locales qui feront du conseil directement auprès des agriculteurs. Aharon Aronsohn sera l’un de ceux-là. Le Baron de Rothschild sera à l’origine de l’assèchement des marécages, projet qui changera la donne pour l’avenir du pays. Il construira des synagogues et imposera l’utilisation de la langue hébraïque dans ses yishuvim : « Je veux entendre de la poésie en Hébreu », disait-il. Plus de 40 communautés, kibbutzim, moshavim, villages et projets ont été financés par le Baron à ce jour.
Il meurt le 2 Novembre 1934 à Boulogne Billancourt. Sa femme, Adelaïde — la jolie moshava de Givat Ada porte son nom —, mourra un an plus tard. Ils seront tous deux enterrés au Père Lachaise et inhumés au pied du Mont Carmel 20 ans plus tard, au parc de Ramat Hanadiv, « la colline du généreux », au pied du Mont Carmel, ainsi qu’il l’avait souhaité. À Haïfa, le bateau fut salué par des sirènes et des canons.
L’ancien Premier ministre David Ben Gourion fera un éloge funèbre touchant, malgré la différence marquante entre ces deux hommes : « Je doute que, dans toute l’histoire du peuple juif de la diaspora, étirée sur une période de 2 000 ans, l’on ne puisse jamais trouver un homme d’une stature comparable à l’incroyable personnage qu’est le baron Edmond de Rothschild. Un bâtisseur du yishouv dans notre patrie retrouvée. »