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Simhat Torah : après l’effort, le réconfort

Simhat Torah est incontestablement un des jours les plus joyeux de l’année juive. Dans une ronde infinie, au milieu des chants et des danses, sous une pluie de sucreries, le peuple juif célèbre son amour de la Torah.
Simhat Torah, après l’effort, le réconfort.

La Torah est un chant infini qui rythme notre vie en l’emplissant de sa douce mélodie. Le texte qui nous enjoint d’écrire un Sefer Torah, un rouleau de la Torah, ne dit-il pas : « écrivez pour vous ce cantique, qu’on l’enseigne aux enfants d’Israël » [1]Deutéronome 31,19  ?

Pourtant, nous serions très étonnés de découvrir que lorsque le Roi David utilise une locution semblable dans les Psaumes « Tes lois sont pour moi des chants » [2]Psaumes 119, 54, ceci lui coûtera très cher ! David a traversé une vie particulièrement difficile et éprouvante. Jeune, il est rejeté par ses frères puis sera poursuivi par le Roi Saül. Roi d’Israël, il devra se battre contre les ennemis d’Israël avant de devoir s’exiler devant la menace de ses propres enfants ! Pourtant , il ne s’effondrera jamais, car même au bord de l’abîme, il est porté par l’espoir et la musique de cette Torah qu’il chante et étudie.

Mais D.ieu lui dira [3]Yalkout Chimoni Samuel 2 142 : « David, serait-ce ma Torah, avec toute sa puissance et sa profondeur, que tu dénommes : “chansons” ? Tu verras qu’un jour, tu oublieras une loi que même les petits enfants connaissent… ».

 

En effet, lorsque David, dans une majestueuse procession, rapatrie l’Arche d’Alliance à Jérusalem, il la fait voyager sur un chariot. Or, comme beaucoup le savent, l’Arche d’Alliance doit impérativement être portée à l’épaule des prêtres [4]Nombres 7, 9. Et la catastrophe arrive : l’Arche glisse de son véhicule. Un prêtre nommé Ouzza tend la main pour la retenir et meurt foudroyé instantanément. Cet endroit sera nommé Perets Ouzza, le Courroux de Ouzza. David est dévasté par ce drame, et l’Arche mettra encore trois mois pour atteindre Jérusalem.

 

La question qui se pose est : Pourquoi est-ce justement cette loi que David a oubliée pour avoir appelé la Torah “chansons” ?

La réponse que nous donne Rav Yonathan Eybeshitz [5]Rav Yonathan Eibechits (1694,1764), un des plus grands maîtres de sa génération et Grand rabbin de Metz à la fin de sa vie dans son Tiferet Yehonathan est brillante : Celui qui veut accueillir la sagesse de la Torah ne peut y arriver qu’en acceptant de s’y investir réellement. La Torah ne peut être considérée comme une chansonnette sympathique qu’on entonne autour d’un verre de bon vin. Elle n’est pas un petit plus dans la vie, un bonus nice to have. Celui qui la voit ainsi finit par la mettre sur une charrette en s’imaginant qu’elle roule toute seule, sans effort.

La quête de la vérité nécessite un effort personnel, un investissement de ses forces intellectuelles, physiques et morales. Il faut se baisser pour la porter à l’épaule.

C’est la raison pour laquelle D.ieu fait oublier à David justement cette loi.

 

Mais, une fois que le prêtre porte l’Arche d’alliance à l’épaule, le prodige apparaît : l’Arche portait ses propres porteurs ! [6]Talmud de Babylone Sota 35a .Les porteurs flottaient dans l’air et la portaient sans aucun effort. Une fois que l’on est prêt à s’investir, le chant de la Torah s’élève. Le bonheur de comprendre, la satisfaction de la connexion au divin nous emplissent de joie, nous portent et aplanissent les difficultés.

On ira même plus loin, en voyant que nos maîtres expliquent que le verset : « L’arche sera portée à l’épaule », signifie qu’elle était portée en chantant.

La Torah est bien un chant, mais il ne faut jamais inverser le processus : on doit d’abord prendre l’Arche à l’épaule avant de planer ; d’abord s’investir avant de chanter. Celui qui préfère les raccourcis s’expose à de tristes déconvenues.

 

Vous comprendrez maintenant parfaitement pourquoi Simhat Torah est fêtée en Tichri et non durant la fête de Chavouot. Le 6 Sivan, jour de Chavouot, nous avons reçu la Torah en cadeau. Il n’y a pas encore de place pour la joie et le chant. La joie n’est jamais complète sans effort préalable.

À Simhat Torah, nous avons fini d’étudier tout le rouleau de la Torah. Nous avons investi tout notre être et notre année dans cette étude ! Le chant est alors profond et naturel, car la Torah nous appartient vraiment.

 

Au niveau historique, la notion est aussi vérifiée. À Chavouot, les tables reçues sont sculptées par D.ieu et gravées de la main divine, sans intervention humaine. Mais Simhat Torah vient après Yom Kippour où nous sont remises les deuxièmes Tables de la loi. Ces Tables sont sculptées par l’homme, Moïse, et gravées par D.ieu

La joie de Simhat Torah est celle qui suit notre implication et nos efforts dans la réception.

 

Nous conclurons donc en paraphrasant notre cher La Fontaine : « Vous étudiez, j’en suis fort aise ! Et bien, dansez maintenant ! » [7]Fables de la Fontaine, Livre 1 Fable 1, La cigale et la fourmi .Que la joie de Simhat Torah illumine toute votre année…

Références

Références
1Deutéronome 31,19
2Psaumes 119, 54
3Yalkout Chimoni Samuel 2 142
4Nombres 7, 9
5Rav Yonathan Eibechits (1694,1764), un des plus grands maîtres de sa génération et Grand rabbin de Metz à la fin de sa vie
6Talmud de Babylone Sota 35a
7Fables de la Fontaine, Livre 1 Fable 1, La cigale et la fourmi

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