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San Nicandro: le petit village italien qui voulait devenir juif

En pleine Italie fasciste des années 30, les habitants d'un petit village des Pouilles, au sud-est de la botte, commencent à se passionner pour les Écrits de l'Ancien Testament. Sans avoir jamais rencontré de juif, et pensant que ce peuple antique s'était éteint depuis longtemps, ils vont suivre Donato Manduzio, le héros charismatique et déterminé de cette incroyable saga. C'est lui qui les mènera jusqu'à la conversion au judaïsme. Avec la fin de la guerre et la chute de Mussolini, ils "monteront" même en Israël pour s'y installer définitivement.
Gli ebrei de San Nicandro

En Italie, où que vous soyez, vous êtes proche de la mer.

Lorsque vous traversez la botte dans sa largeur, en un peu plus de 3 heures, vous avez tiré un trait entre les deux plus belles côtes du monde, celle de la Méditerranée et celle de l’Adriatique.

Si sa topographie de presqu’île géante fendant les eaux est un ravissement, sa configuration humaine ne l’est pas moins.

L’Italien est un être jovial, avenant, généreux, accueillant, très rarement arrogant, qui parle une langue qui chante même avant de la mettre en musique.

Et pourtant…

L’Italie a connu l’infamie des déportations. On a du mal à comprendre comment les sympathiques carabinieri ont pu un jour, à l’aube, frapper aux portes des maisons juives et arrêter des familles entières. Quelque chose « ne colle pas » entre ces visions de terreur et le soleil, la pasta, la bonhomie du peuple ; le décor de ces atrocités ne peut être que celui de terres glacées, sévères, ou cruelles et obsessivement méthodiques.

Mais au pays du vin et de la joie… ?

À croire que la gentillesse des Italiens, poussée à l’extrême, se transforme en complaisance, et que leur manque de fermeté à dire « no » aux diktats des Allemands a pu être, à un moment de leur histoire, un gravissime défaut.

 

Un petit village d’irréductibles Italiens

Notre histoire commence en 1930, dans un petit village des Pouilles, San Nicandro Garganico, au sud- est de la botte, alors qu’un homme, analphabète jusqu’à l’âge adulte mais doté d’une personnalité appuyée et en recherche constante de vérité, va parvenir aux portes du judaïsme authentique et entraîner avec lui tout son entourage.

Donato Manduzio, le héros de cette spectaculaire conversion au judaïsme, blessé de la guerre 14-18, profitera de son séjour à l’hôpital pour apprendre à lire. Il dévore alors les ouvrages qui lui tombent sous les yeux. Au village, c’était déjà « un personnage », un tempérament, auprès de qui on prend conseil, passionné par tout ce qui touche à la spiritualité.

Dans la nuit du 10 au 11 août 1930 — on le sait par son journal —, Donato va faire un rêve étrange : un homme portant une lanterne éteinte lui demande de l’allumer et, justement, il tient des allumettes dans sa main. Ce songe est prémonitoire car, quelque temps après, il recevra d’un voyageur une Bible, dont la lecture provoquera chez cet assoiffé de vérité un véritable choc.

Derrière chaque verset, il trouve ce qu’il cherche depuis toujours : un texte ordonné, cohérent dans ses moindres détails, daté, clair, au travers duquel le Créateur révèle sa volonté aux hommes. Et Donato, conquis, sentant intuitivement qu’il vient de découvrir le Livre clef de l’Humanité, se met à prêcher, à en parler autour de lui et à faire des adeptes. En fin de compte, sous son influence, presque tout le village va adopter cette nouvelle religion.

Ils serviront le D.ieu des Hébreux en toute innocence et en toute simplicité, persuadés qu’ils font renaître des coutumes et un service divin éteint depuis longtemps. Ils pensent que le peuple hébreu n’existe plus et qu’ils ressuscitent une tradition ancestrale, plus pratiquée depuis des millénaires, ne se doutant pas un seul instant que la religion des Juifs est bien vivante.

Un marchand ambulant de passage leur révèle qu’il y a beaucoup « de ces gens » dans les grandes villes. Tout étonnés, les Sannicandresi cherchent alors à entrer en relation avec ces ebrei dont ils lisent chaque jour les pérégrinations dans les Écritures. Ils se mettent en contact avec le rabbinat italien de Rome, mais ce dernier, d’abord méfiant, pensant à un canular ou à une provocation — qui pense se convertir en un telle période ! — hésite à donner suite aux lettres de Donato.

Finalement, le Grand Rabbin Sacerdoti, convaincu de la sincérité de ces doux candidats à la conversion, leur répondra avec toute la circonspection due à ce « cas » singulier, tentant parallèlement de les dissuader de faire le pas, ne serait-ce que pour leur épargner les misères des persécutions.

 

Vouloir devenir juif en 1940 !

Ils seront relativement peu inquiétés par le régime fasciste qui les considère plutôt comme des originaux. D’ailleurs, le rabbinat, pour les protéger, leur écrit : « Vous n’êtes pas Juifs, parce que vous n’êtes pas nés Juifs et, d’autre part, votre conversion n’a jamais été faite. » Vexés, ils osent rétorquer : « Bien que nous ne soyons pas nés en Israël, nous opérons selon les lois que l’Éternel a données à Israël. »

Ces hommes ont la nuque roide, comme les Israélites de cette Bible qu’ils ont adoptée, et même si la vérité à laquelle ils aspirent est en ce moment du côté des persécutés, rien ne freine leur élan. Ils attendront, comme le leur conseille le Grand Rabbin, la libération de Rome, et entreront alors dans l’Alliance d’Abraham, selon la stricte hala’ha — loi juive. Puis, avec la naissance du jeune état hébreu, 30 d’entre eux quitteront les Pouilles pour s’installer successivement en Haute Galilée, dans les communautés agricoles religieuses de Alma, Ben Zimra et Byria, où des italophones de Libye se trouvaient déjà. Leurs descendants, complètement intégrés à la société israélienne, s’y trouvent jusqu’à aujourd’hui. 

Mais Donato Manduzio, l’instigateur de cette incroyable saga, qui aura mené son « peuple » jusqu’aux rives de la Terre Promise, lui- même n’y entrera pas. On aurait tant voulu le voir à la tête de son troupeau, ce berger des Pouilles, faire son entrée dans le giron des Patriarches. Pourtant, il décèdera en 1948 sans se convertir, refusant la circoncision et la loi orale, c’est-à-dire le Talmud.

Il restera un remarquable « passeur », un maillon entre l’Italie et Israël, qui aura fait découvrir la Torah aux siens.

Que son âme repose en paix.



– CASSIN Elena, San Nicandro : Histoire d’une conversion (Note de lecture 1 rédigée par Léon Poliakov).

Article publié dans la revue des Annales, Année 1958, 13-1, p. 199-201. Mis gracieusement à la disposition du public par le site Persée.

– Donato Manduzio Da Wikipedia, l’enciclopedia libera.

– San Nicandro : quand des Italiens se découvrent juifs — Série « Les incroyables petites histoires des religions ».

PAR JEAN-FRANÇOIS MAYER, 25 AOÛT 2002 www.religion.info

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