Le premier Européen à rencontrer les fèves de cacao est Christophe Colomb[1]Une étude très récente dirigée par Jose Antonio Lorente, professeur à l’université de Grenade, en se basant sur l’ADN de Colomb et de ses proches, a apporté des éléments génétiques … Continue reading lors de son quatrième voyage de découverte, dans un canoë indigène non loin de l’île de Guanaja, au large du Honduras en 1502. Cependant, il ne perçoit pas l’ampleur de l’intérêt que peuvent avoir ces étranges amandes qu’il voit comme une monnaie d’échange indienne.
Pour les Aztèques et les Mayas, la fève de cacao est utilisée comme monnaie, mais le chocolat est surtout une boisson de luxe, le Xocoatl, utilisée à des fins thérapeutiques ou religieuses. Si l’empereur Montezuma en boit cinquante tasses par jour, le conquistador espagnol Hernan Cortes fait la grimace devant la coupe que l’empereur lui tend. En effet, cette boisson noire et très amère est aromatisée au piment, au roucou et aux épices. Il ne retrouvera le sourire qu’en remarquant que la coupe, une carapace de tortue, est sertie dans une résille en or massif. Pourtant, lorsque des religieuses d’Oaxaca l’adoucissent avec du miel et du sucre de canne, le chocolat chaud, aromatisé à la vanille et parfois au musc, s’adapte au palais européen.
D’après certains[2]Voir l’excellent ouvrage Cacao de Michèle Kahn sur le sujet., ce serait le médecin juif de Cortes, du nom de Juan Sarmiento, qui se serait mis en tête de trouver la recette miracle et ce sera son serviteur Pedro Alvarez, marrane lui aussi, qui préparera l’onctueux breuvage mousseux servi à Charles Quint en 1528. Les papilles impériales sont charmées, et l’empereur appelle son épouse, la reine Isabelle de Portugal, pour goûter le « breuvage des dieux »… La femme de Pedro, elle aussi introduite dans le secret, deviendra la molina personnelle, l’experte du maniement du moulinet préparant le chocolat de la Reine.
Le chocolat s’étend à toute l’Europe au gré des alliances aristocratiques ou commerciales.
Il faut attendre 1615 pour que la boisson chocolatée fasse son apparition en France. C’est la fille de Louis-Philippe II d’Espagne, Anne d’Autriche, qui, lors de son mariage avec Louis XIII, a fait connaître le chocolat à la cour française. Un peu plus tard, en 1659, Marie-Thérèse d’Espagne, la femme de Louis XIV, ouvre une chocolaterie dans le quartier des Halles.
De leur côté, les Juifs, pour beaucoup ayant fui l’Inquisition espagnole et portugaise pour les îles du nouveau continent, deviennent les pionniers de la production des trois ingrédients principaux du chocolat : cacao, sucre et vanille.
Les frères juifs David et Rafael Mercado vivent dans l’actuelle Guyane et inventent des machines pour raffiner le sucre de canne. Lorsque les autorités néerlandaises locales leur interdisent le commerce du sucre, ils se replient sur le cacao et la vanille mexicaine. David et Rafael contrôlent bientôt le marché du chocolat au Mexique jusqu’à l’arrivée des colons français en 1690.
La première usine moderne de transformation du cacao est créée par Benjamín d’Acosta de Andrade, juif portugais secret, installé au Brésil vers 1600, où il retrouve la pratique ouverte de son judaïsme. À l’arrivée des Portugais en 1645, Benjamin s’enfuit vers la Martinique, où il dominera le commerce local du cacao.
Mais les colons français, jaloux du succès des marchands juifs, font publier en 1685 le Code noir expulsant les Juifs de la Martinique. Benjamín d’Acosta de Andrade et d’autres commerçants de cacao, de sucre et de vanille se redirigent vers Curaçao, sous domination hollandaise, et la Jamaïque sous domination anglaise.
De leur côté, d’autres Juifs marranes fuient l’Espagne et le Portugal pour trouver refuge en France, à Bayonne, où l’on comprend l’espagnol. Ceux que l’on nomme diplomatiquement « la nation portugaise » s’installent sur la rive droite de l’Adour, dans le quartier extérieur de Saint-Esprit, n’ayant pas le droit de résider à Bayonne même.
Parmi eux, des négociants en contact avec leurs frères juifs des comptoirs de commerce d’Amérique, mais aussi des apothicaires connaissant les secrets de la fabrication du chocolat et que l’on appelle les « faiseurs de chocolat ». Ils savent griller les fèves sur une plaque de tôle en les remuant délicatement, travailler longuement la pâte sur le « métate », pierre en forme de petit berceau, former les billes de chocolat, doser le succulent mélange selon leur recette secrète enrichie de cannelle, muscade, vanille, ou encore d’eau de fleur d’oranger.
Les faiseurs de chocolat fabriquent leur produit à domicile chez les riches bourgeois, voire chez les épiciers de Bayonne, qui le revendent dans leurs échoppes.
Si le secret est bien gardé, les Juifs enseignent leur science à leurs apprentis Chrétiens…
Lorsque le chocolat devient réellement lucratif, les élèves se retournent contre leurs maîtres d’hier. En 1725, les Échevins de Bayonne interdisent aux juifs de fabriquer ou de vendre au détail dans la ville de Bayonne. En 1761, les maîtres chocolatiers bayonnais, pour asseoir leur monopole, créent une corporation qui ne reçoit comme membres que des aspirants de religion catholique et romaine, et interdisent à tout étranger à la corporation de vendre ou de fabriquer du chocolat. Les Juifs sont donc exclus du métier qu’ils ont introduit à Bayonne !
Suite aux plaintes des marchands juifs s’appuyant sur les lettres patentes du roi, ainsi que l’appui de l’influent duc de Gramont, le Parlement de Bordeaux annulera les statuts de la corporation. Mais les tracasseries et autres poursuites ne s’arrêteront pas là, et seule la Révolution et l’Émancipation des Juifs de 1791 mirent un point final à cette ségrégation.
S’il était d’abord réservé à une élite sociale, le chocolat se démocratise et, de boisson, il se transforme en confiserie et se décline en glace, bonbons et pâtisseries. À Bayonne, devenue la ville du chocolat, de véritables dynasties de chocolatiers apparaissent et exportent leurs délices vers la France entière, puis l’Europe et même le monde…
Les Juifs, eux, ayant partagé leur génie, continueront leur route, qui pour certains, ira même jusqu’à New York !
Par exemple, les familles Gomez et Lopez, juifs séfarades, introduiront et domineront le commerce du cacao à New York au XVIIIe siècle, et Aharon Lopez fut un des ardents partisans de la Révolution américaine. Mais c’est déjà une tout autre histoire…
Pour conclure, nous adapterons les paroles de Rabbi Lévi Itshak de Berditchev (1740-1809). Lorsqu’un Juif, de bon matin, prépare un bon chocolat chaud, il mélange du cacao amer avec un doux sucre de canne, qu’il arrose avec de l’eau bouillante puis du lait froid. Le noir du cacao se mêle au blanc du lait crémeux. Un nouveau jour est en train de naître, où nous pourrons goûter la douceur, mais parfois devrons endurer l’amertume, sentir la chaleur humaine, mais parfois aussi faire face aux sentiments glacés d’un hiver affectif. Sur ce mélange de contraires, le juif récite la bénédiction : « Chéhakol Nihya Bidvaro », tout cela a été créé par la Parole divine. Il se rappelle que chacun de ces éléments, a priori contradictoires, est indispensable pour créer une perfection harmonieuse, sur laquelle nous disons : « Merci, mon D.ieu! ».
Références
↑1 | Une étude très récente dirigée par Jose Antonio Lorente, professeur à l’université de Grenade, en se basant sur l’ADN de Colomb et de ses proches, a apporté des éléments génétiques inédits et conclut que le célèbre explorateur est bien d’origine juive espagnole… |
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↑2 | Voir l’excellent ouvrage Cacao de Michèle Kahn sur le sujet. |
2 Responses
Merci beaucoup pour votre travail qui rend au peuple juif ce que l’on veut cacher et tronquer depuis toujours.
Mais la lumière Divine est belle et bien présente. Émet ! 💙🤍
tres interressant