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Qui a numéroté la Torah ?

Qui a numéroté la Torah ?

Petit historique des transformations

Le Tanakh, la Bible en français, est divisée en chapitres. Le mot Tanakh est l’acrostiche des mots Torah, Néviim (les Prophètes), Ketouvim (les Hagiographes). Il se présente comme un texte numéroté et découpé en chapitres et versets. Or cette présentation, qui figure dans toutes les éditions du texte biblique, ne reflète en rien l’organisation du texte originel.

En effet, le texte des rouleaux de la Torah est divisé en « parachiyoth » (paracha au singulier). Une paracha est un groupe de versets traitant, en général, d’un sujet ou d’un récit. Elle peut être dite setouma (fermée) ou petou’ha (ouverte). Elle sera considérée comme fermée-setouma lorsqu’elle commence sur la même ligne que le dernier verset de la paracha précédente, tandis qu’elle sera dite petou’ha-ouverte si elle commence en début de ligne. On en compte entre 379 et 384, selon les avis.

Cependant, cette structure n’apparaît pas dans les éditions couramment diffusées depuis l’apparition de l’imprimerie.

Qui a donc fixé la numérotation du Tanakh ? Qui a décidé de diviser le texte fondateur du Judaïsme en chapitres ? Selon quels critères a-t-on décidé de fixer la fin d’un chapitre et le début d’un autre ?

On se serait attendu à entendre ici le nom d’un Sage d’Israël, soucieux de rationalité. On aurait bien imaginé qu’un tel projet se soit mis en forme dans l’esprit de Maïmonide, lorsqu’il a rédigé son Yad ha-‘Hazaka, sa gigantesque compilation législative ; ou bien, puisque Maïmonide entendait faciliter l’accès aux conclusions du texte talmudique, un auteur marchant sur ses traces, et qui aurait ainsi permis des recherches plus rapides.

Or, il n’en est rien. La division du texte de la Torah en chapitres numérotés est due à un théologien chrétien, Steven Langton, archevêque de Canterbury (1150-1228).

Ce travail fût porté par une idéologie qui dépassait les considérations pratiques. Comme nous le verrons en examinant les choix du découpage, il reposait aussi et surtout sur une tentative d’appropriation du texte d’origine. Pire encore, il visait à asseoir la théologie chrétienne du Verus Israël, qui voit dans le Christianisme la réalisation d’un Judaïsme considéré comme dépassé et promis à la honte éternelle, faute de n’avoir pas reconnu Jésus comme messie.

Ce découpage va progressivement s’imposer, surtout après l’invention de l’imprimerie et la parution des différentes éditions de la Bible. De manière surprenante, les grandes autorités spirituelles du Judaïsme accepteront ce découpage, pour des raisons liées aux « disputations » publiques opposant les apostats juifs et les dignitaires chrétiens. En effet, l’Église entretenait des polémiques incessantes contre le Judaïsme. Les protagonistes de ces affrontements, juifs comme chrétiens, s’appuyaient sur la numérotation introduite par l’archevêque de Canterbury. Vers 1330, soit un siècle après la mort de Stephen Langton, Rabbi Chlomo ben Israël explique les raisons de ce choix :

« Voici les chapitres des non-Juifs. Ils s’appellent les Kapitoles [qui constituent] les 24 livres portant les noms propres à leur langue. Je les ai recopiés de leurs livres, afin que chacun puisse répondre rapidement aux nombreuses questions qu’ils nous posent chaque jour sur notre foi et notre sainte Torah. Ils citent [à l’appui de leurs thèses] des [soi-disant] preuves tirées des versets de la Torah, des Prophètes ou de tout autre livre. Ils nous disent : « Voyez tel verset de tel livre, à tel chapitre. » Or nous ne connaissons pas ces numéros de chapitre et nous ne pouvons pas leur donner une réponse rapide. C’est la raison pour laquelle je les ai recopiés dans Beréchith qu’ils appellent Genèse. Premier chapitre : Dans le commencement D. créa le ciel et la Terre. Deuxième chapitre : Les cieux et la terre furent achevés… ».

Entre 1517 et 1571, les différentes éditions du Tanakh adopteront des modifications mineures. Cependant, l’essentiel de la nomenclature mise en place par l’Église sera maintenue.

 

Découper pour mieux transformer

Comme nous l’avons annoncé, le découpage chrétien n’obéissait pas qu’à des considérations pratiques. Il avait aussi pour but de servir la vision chrétienne de l’histoire juive.

Deux exemples emblématiques nous aideront à mieux comprendre les enjeux de ce travail de réappropriation du Tanakh.

Le récit de la Création du monde est à cet égard plutôt édifiant.

Le monde fût créé en six jours, nous dit la Torah. Le septième jour, le Chabbath, est le couronnement de la Création. Dans l’optique juive, la « paracha », c’est-à-dire les versets qui traitent de ce sujet, sont inséparables de l’ensemble du récit qui précède. Or Langton va arbitrairement choisir de faire commencer le 2ème chapitre au verset qui annonce « l’achèvement de la création des cieux et de la terre », qui introduit la présentation du Chabbath.

On comprend parfaitement la charge symbolique qui se cache derrière ce découpage : le Chabbath des Juifs est aboli ; c’est celui des Chrétiens qui prend le dessus.

Le choix de découpage du dernier chapitre du livre d’Osée, Hochéa en hébreu, est à cet égard encore plus spectaculaire.

Le prophète adresse de sévères remontrances au peuple. Tout au long du livre, on perçoit l’expression du courroux divin. Si Israël ne se repend pas et persévère dans son iniquité, il en subira les conséquences.

Puis vient le dernier chapitre du livre, le 14ème, qui est introduit par les 2 versets suivants :

Périsse Samarie puisqu’elle a trahi son D. Ils tomberont sous le glaive, leurs jeunes enfants seront mis en pièces, leurs femmes éventrées.

Puis le prophète, dans les 8 derniers versets de sa prophétie, invite Israël au repentir. Il annonce que D. pardonnera et permettra au peuple de se rédimer.

Il eût été bien plus juste et plus exact de commencer le chapitre 14 par le verset qui invite au repentir : Reviens Israël jusqu’à l’Eternel Ton D., car tu n’es tombé que par ton péché. En effet, pour le Judaïsme, la Techouva (repentir) est non seulement de nature à délivrer l’individu de ses errements mais elle participe également au processus général de rédemption messianique. Or, la tradition juive nous explique qu’il y a eu plusieurs millions de prophètes. Ceux dont les prophéties ont été inscrites dans le Tanakh ont prophétisé pour leur génération mais également pour les générations futures, qui vivront la délivrance messianique.

Langton aura alors préféré commencer par l’annonce de l’anéantissement (à D. ne plaise) du peuple juif, ce qui confortait la théorie selon laquelle les Juifs ont disparu et ont été remplacés par les authentiques représentants du Créateur, le peuple chrétien.

Le Tanakh reste cependant une œuvre prophétique qui témoigne de l’éternité d’Israël, même si elle nous est parvenue fracturée par un découpage chrétien. Et par ailleurs, dans toutes les éditions du Tanakh, on voit toujours apparaître au milieu du texte les lettres « Samekh » ou « Pé », pour nous indiquer le découpage, bien authentique celui-là, des « parachiyoth », des groupes de versets tels qu’ils apparaissent dans les rouleaux de la Torah. Comme pour mieux nous rappeler que les tentatives de falsifications ou de réappropriation ont échoué ; le peuple juif reste encore le propriétaire d’origine du texte originel.

Une réponse

  1. Impressionnant ! Qui l’aurait cru ?
    Bravo, Rav Mordehai, pour cet article.
    Vous avez, une fois de plus, su nous tenir en haleine et nous montrer comment la Torah est universelle…
    Hodesh Tov

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