Pour faire face à ces nouveaux défis et ne pas tomber dans la divergence mentale, beaucoup d’urbains se tournent vers la méditation pour faire un break et permettre à leur esprit un moment de repos.
La méditation a la réputation d’être née dans les pays d’Orient. En revanche, ce que peu de gens savent, c’est qu’il existe, au sein de la tradition juive, une méditation dont les pratiquants sont accoutumés, parfois sans même s’en rendre compte : la prière.
Qu’elles viennent d’Inde comme la méditation Vipassana, de Chine avec le Tai Chi Chuan, ou du Japon avec le Zen, toutes ont en commun de conduire le pratiquant au contrôle de ses pensées. Certains prendront pour support la respiration, d’autres le mouvement, le but étant d’accéder à un état de conscience dans lequel le sujet est totalement relaxé et immergé dans le présent.
Le Rav Arié Kaplan dans son ouvrage « Méditation guide pratique » soulignait que cette pratique était une chose courante dans les générations qui précédèrent la destruction du Temple, et que c’était par ce biais qu’on accédait à la prophétie dans les écoles spécialisés. En outre, il fait remarquer que les sages de l’époque médiévale étaient encore coutumiers de certaines pratiques comme la visualisation (Guiroushin) ou encore l’exercice de la respiration.
La prière que les Sages de la grande Assemblée ont codifiée il y a plus de 2 500 ans partage les mêmes presciences. Voyons de quoi il s’agit.Pour les familiers de la méditation hindoue, les mantras représentent l’ouverture des chakras.
Pour le dire de façon un peu plus rationnelle, le fait de répéter indéfiniment un mot ou une phrase provoque ce que l’on appelle une « réponse de relaxation ».
Avec la répétition incessante des mots, l’esprit finit par ne plus remarquer les petits accrochages qu’introduisent les consonnes ou ces petits flots que sont les voyelles, et entre en parfaite résonance avec les mots et atteint un état de conscience en éveil grâce à la pratique du mantra.
Dans la prière, c’est le même mécanisme qui s’opère : nous répétons depuis notre plus tendre enfance les mêmes phrases au point de ne plus remarquer leur consonance et communier avec l’écrit, mais c’est aussi tout le rituel de la prière qui est ainsi fait dans le but de permettre à la personne d’être immergée dans un état méditatif.
La loi juive concernant la prière exige qu’un cadre soit planté pour accéder à ce qu’elle définit d’indispensable pour son agrément la kavana, soit la « concentration ». Il est à noter que l’étymologie du mot kavana en hébreu, que l’on a communément pour habitude de traduire par « concentration » pour répondre à son exigence législative, à la même racine que kaven, soit « viser ».
La kavana, c’est le fait de viser avec son esprit, la « conscience dirigée » dont on parle en méditation.
Afin de permettre à cet état d’éveil de l’esprit d’aller vers des sentiers spirituels, les décisionnaires préconisent de réduire la vivacité de nos cinq sens en fermant les yeux durant la prière (Rabbénou Yaakov ben Acher, Tour chap. 61), s’abstenir de tenir tout objet perturbant la concentration (Choulhan Aroukh 96,1-2).
Le Talmud recommande de s’imaginer dans le Saint des Saints (Brakhot p. 30), joindre les deux pieds à l’image des anges et de murmurer les mots de la téfila. (Ibid.) Les Cabalistes, quant à eux, conseillent de rester immobile durant la prière pour faire abstraction totale de son corps. On nous rapporte que les Hassidim Harichonim, les hommes pieux de l’époque de la Michna, priaient durant une heure. (Ibid.)
Un calcul sommaire nous renseigne sur la pratique de ces maîtres en la matière. La Amida, l’essence de la prière, compte environ 500 mots, les anciens prenaient une heure pour la réciter, soit 3600 secondes.
Ils récitaient donc la prière à raison d’un mot toutes les 7 secondes. C’est dire la dévotion qu’ils pouvaient y mettre…
Maïmonide, Le Rambam, dans son Guide des égarés (part 3, chap. 51), nous explique que la prière a pour but de concentrer l’homme vers un au-delà spirituel d’où il serait à même de communier pleinement avec le divin.
Pareil pour Ibn Pakoua, dans son Hovot Halévavot, qui déclarait que la prière transcende l’épaisseur du corps pour ne laisser filtrer que l’expression de l’âme. Il est vrai que nous n’avons pas toujours le temps pour ces grands états de conscience dans notre quotidien.
Les clefs sont pourtant là, à portée de main, remises par ceux que ces sentiers ont guidés vers des expériences prophétiques et qui ont su décrypter les secrets d’une mystique juive ésotérique, dans des mots savamment choisis, pour permettre le retour à soi et ainsi à l’élévation spirituelle et le repos de l’âme.