Nos maîtres racontent l’histoire d’un mariage merveilleux. Le fiancé était apprêté de ses plus beaux apparats.
Les invités se délectaient des mets les plus délicieux, les meilleurs vins coulaient dans les verres des sommeliers, pendant que la mélodie des violons se baladait dans les jardins magnifiques qui servaient de scène à cette union.
Tout était là, oui tout. Sauf la mariée ! [Voir Bereshit Rabba 11,8]
Évidemment sans elle le mariage n’a aucun sens, peu importe tout ce qui se passe autour.
Et il y a là une idée primordiale, un concept que seuls nos sages dans leur génie métaphorique sont capables de transmettre au travers de fables aussi parlantes.
En effet, on ne peut pas se passer de l’essentiel. On aurait pu dire : tout était là sauf n’importe quoi d’autre, mais pas sauf la mariée !
Un livre peut manquer de couleurs mais pas de lettres. La vie tolère l’imperfection, mais elle exige un sens, une âme.
Les actes s’ils supportent la maladresse, implorent une signification. De même le couple survit à toutes les difficultés, mais l’affection et l’admiration pour l’autre sont fondamentales.
Pour tout élément, personne ou événement, il faut toujours différencier les ingrédients dont l’absence est un simple défaut et ceux dont l’absence remet en cause l’existence même.
Cette idée est encore plus approfondie dans l’analyse textuelle d’un des passages les plus célèbres de la Torah.
« Vaykhoulou hashamayime vehaarets vekhol tseva’ame » est traduit généralement par « Ainsi furent achevés les cieux et la terre avec tout ce qu’ils renferment ».
Mais une traduction plus littérale interpréterait le verbe « achever » par « devenir utile » ou « prendre forme ».
En fait, avant Shabbat, tout existait mais rien n’était utile, il manquait la forme.
Imaginez par exemple que les vaches virevoltaient dans les airs, les étoiles étaient plantées dans la terre ou encore les arbres sens dessus dessous…
Shabbat, c’est la mise en ordre, l’apparition de ce qui existe déjà mais qui n’a pas de forme, de but.
Ainsi, toute la semaine nous fabriquons notre vie au travers des péripéties qui jalonnent notre existence.
Durant Shabbat, on prend le recul indispensable pour se retrouver, ce qu’on a réalisé prend forme, et devient utilisable au mieux dès la semaine suivante.
Shabbat est dépositaire d’un bonheur indispensable à l’évolution, car pris dans le tourbillon des activités quotidiennes et dans le labyrinthe des obligations communes, la relâche nécessaire pour apprécier la réalisation passée et pour mettre en place la prochaine étape semble impossible. [Voir complément de texte*]
Imaginez, un enfant qui dessine une maison sur une feuille blanche A4, mais au lieu d’utiliser des crayons de couleurs, il préfère l’aide d’un tube de colle UHU.
Évidemment, rien n’apparaît sur la feuille. Alors il recouvre entièrement la feuille à l’aide de paillettes de couleur.
Bien que la colle ait déjà attrapé les paillettes qui formeront la maison, aucune forme n’est encore visible.
Alors l’enfant lève la feuille de ses deux mains, approche son visage et avec ce charme innocent propre aux enfants, il souffle légèrement sur la feuille et la maison apparaît comme par magie, là où elle a toujours été.
Voilà Shabbat, c’est ce souffle qui permet tout et sans quoi rien n’est possible. [Voir Bereshit Rabba 10,2]
Le Shabbat a cela de merveilleux qu’il rend tout utile, avant lui rien n’a de sens, après son passage tout prend vie.
En fait, pour tout vous dire, nos sages enseignent que la véritable mariée de la métaphore, c’est le Shabbat !
Tout le reste n’est qu’application de ce principe.