Dans cette première partie de notre réflexion, nous allons tenter d’apporter un éclairage nouveau sur la Mitsva du respect des parents. Pour se faire, nous allons pénétrer l’intention première du commandement et voir qu’il pourrait y avoir un moment favorable à son accomplissement.
Le respect des parents : une Mitsva à part entière
Le respect des parents est un commandement fondamental du judaïsme.
Bien qu’il soit formellement impossible d’affirmer qu’il existe une quelconque préséance ou une hiérarchie des lois de la Torah, il semblerait toutefois que certains préceptes soient primordiaux.
La foi en D.ieu, par exemple, donne aux branches de palmiers leur caractère céleste durant la fête de Soukkot, sans quoi nous serions là, en train d’agiter de vulgaires branchages.
Nous pouvons même le déduire, de façon subversive, de l’enseignement d’une « Michna » qui écrit: « Fais preuve du même zèle concernant les commandements graves que vis-à-vis des commandements légers » (Maxime des pères 2 :1).
On pourrait établir que le respect des parents fait partie des commandements dits « graves » au regard de la Torah.
Si nous avons l’habitude de penser que l’essence de cette Mitsva se résume au fait de témoigner reconnaissance à ceux qui nous ont donné la vie, il semblerait qu’il y ait quelque chose de bien plus prééminent concernant ce commandement.
Décelons le mystère de cette Mitsva en partant d’une question quelque peu anticonformiste: existe-t-il des Mitsvot dont D.ieu aurait besoin que nous fassions pour Lui ?
Je m’explique : la réflexion philosophique nous conduit à concevoir in facto que le Démiurge est omnipotent, transcendant et incorporel.
Les Mitsvot ont pour vocation de rendre l’homme comparable à son Créateur pour reprendre l’expression du Ramha’l ; mais il existe une Mistva qui se distingue ontologiquement des autres par le fait qu’elle relève de l’intérêt personnel du divin, si l’on puit dire ainsi. Il s’agit du respect des parents.
Essayons de comprendre pourquoi.
Le respect des parents : un commandement venu d’en haut
Tout d’abord saisissons l’importance de la Mitsva. Le commandement du respect des parents est situé au cœur des dix lois fondamentales transmises par Moïse, juste en deçà des préceptes concernant le Démiurge Lui-même.
Le Talmud de Babylone évoque que celui qui causerait de la peine à son parent, peine également le divin (Kidouchin p. 31).
Nous constatons que cette Mitsva a une austérité que nous ne retrouvons dans aucun autre commandement.
Voyons alors comment la Torah illustre la relation parent-enfant pour saisir pleinement l’essence de la Mitsva.
Le rapport parent-enfant tourne toujours autour de la transmission et de l’enseignement dans l’esprit du texte biblique.
Le texte appelle le parent à être un précepteur : chaque année, il a le devoir de raconter la sortie d’Égypte (Exode 13 :8) mais aussi chaque jour, la tâche incombe au paternel d’enseigner la Torah à ses enfants (Deutéronome 6 :7).
Plus encore, lorsqu’il veut établir le soubassement de son authenticité face aux vents hérétiques qui tenteraient de s’immiscer entre le peuple et sa foi, D.ieu renvoie à nouveau aux parents « Souviens-toi des chroniques du monde, des générations passées, demande à ton père et il te dira, à tes anciens et ils te diront » (Deutéronome 32 :7).
On discerne les abords de la singularité de cette Mitsva, elle sert de vecteur à D.ieu quant à témoigner de son existence, d’où sa prééminence.
Les parents : enseignants fidèles
Le Ramban (Nahmanïde) dit dans l’un de ses commentaires sur la Torah « Un père ne rapporte pas un faux témoignage à son enfant » (Deutéronome 4 :9) à plus forte raison lorsqu’il s’agissait d’un nombre colossal de pères faisant un récit identique à leurs enfants respectifs.
Ce sont eux qui assurent à D.ieu que l’écho de sa Révélation transcende le cœur des générations à venir, ils sont les garants du souvenir de sa parole, c’est pourquoi cette Mitsva, pour sa part, lui est si chère.
La reconnaissance pour les deux mondes
La Mitsva revêt ainsi un nouvel aspect, elle n’est plus seulement la reconnaissance due à la vie donnée, à l’éducation fournie ou encore à l’argent investi, mais bien à la trame de l’existence offerte par nos parents qui forment une passerelle entre nous et le divin.
La reconnaissance n’est pas seulement due à l’aspect matériel, elle doit prendre en compte toute l’essence spirituelle qui découle du lien parent-enfant.