Valentine, 34 ans, graphiste free-lance, élève seule son petit Milo, onze ans, muet depuis toujours, alors qu’il entend parfaitement. Un jour, devant une publicité télévisée pour la Grèce, l’enfant se met, pour la première fois de son existence, à parler, et dans une langue inconnue, pour tout oublier l’instant d’après et retrouver son mutisme. Qu’arrive t-il à son fils ? Et pourquoi Salonique, cette ville dont elle ne sait rien, qui lui est en tout point étrangère ? Commence alors pour Valentine une quête des origines qui bouleversera leur vie.
« Le jeu de la marelle va de la terre jusqu’au ciel »… où s’élève l’âme de la petite Séva, 10 ans, qu’un soldat allemand abat parce qu’elle est sortie du rang pour jouer une dernière fois à cette marelle qu’elle avait dessinée à la craie. Elle peut être fière de son geste de rébellion, elle vient de sauver de la déportation Nissim, son amour d’enfance, et de défier le soldat au prix de sa vie. C’était à Salonique, lors de la grande rafle des Juifs de la «Jérusalem des Balkans », en 1943. Dans une ultime prière au Très Haut, la fillette forme le vœu de ne pas disparaître tout à fait, qu’une parcelle de son âme, si infime soit-elle, lui survive.
Dans Les présences, Caroline Bongrand insuffle à leur insu un supplément d’âme dans celles d’une mère et de son fils. Rien, a priori, ne relie à Salonique Valentine Dubois, 34 ans, graphiste indépendante, divorcée, laquelle élève seule Milo, 11 ans, un garçon pas comme les autres. Étrangement, l’enfant est muet depuis la naissance, alors qu’il entend parfaitement. Ils vivent chichement dans un minuscule appartement aux portes de Paris. La vie de Valentine est entièrement centrée autour du handicap de Milo alors que le père a construit une nouvelle famille et peine à entretenir des liens avec ce fils muet.
Survient un événement exceptionnel. Devant une publicité télévisée vantant les beautés de Thessalonique, en Grèce, Milo fond en larmes et se met à parler dans une langue étrangère incompréhensible, avec la voix d’une petite fille. Puis il retombe dans son mutisme, inconscient de ce qui vient de se passer. L’événement se produit une fois encore devant une photo de la ville grecque, jadis appelée Salonique.
Bouleversée d’entendre des mots sortir de la bouche de son enfant, Valentine décide de se rendre sur place, en compagnie de sa fidèle amie Jen, la seule à la croire. Comment Milo va réagir dans le décor naturel du site est tout ce qui lui importe. Un soir, mû par une impulsion subite, Milo entraîne sa mère dans une longue promenade à pas déterminés vers ce qui fut le quartier juif de la ville jusqu’en 1943, pour s’arrêter net devant l’entrée d’une vieille librairie empoussiérée.
Le lendemain, Valentine oblige Milo à y retourner. Un vieillard hors d’âge, du nom de Nissim Saragoussi, les accueille. Milo et Nissim tombent dans les bras l’un de l’autre et se lancent dans une conversation intime en judéo-espagnol, entrecoupée de sanglots. Cette rencontre fortuite délivre Milo du poids de son mutisme et Nissim d’une insupportable attente.
Dans ce merveilleux roman, le judéo-espagnol, langue martyr, se refuse à l’oubli et au silence ; tapie dans l’âme de l’enfant, elle devient celle de sa libération. Pour Valentine, elle la guide vers un passé douloureux, celui d’une arrière-grand-mère écartée de l’histoire familiale en raison d’un amour interdit et effacée du monde par la volonté des nazis. Pourquoi devrait-elle assumer aujourd’hui la charge de ce destin tragique qui l’entrave ? Caroline Bongrand, dans Les Présences, où époques et trajectoires de vie se superposent, raconte avec brio une belle histoire de « gilgoul », ce terme qui, en hébreu, qualifie le voyage des âmes dans les cercles du temps.