Dans « L’étrange journée de Raoul Sevilla », Jean-Pierre Gattegno nous entraîne sur les pas d’un jeune juif séfarade, élève dans un collège de la banlieue parisienne, au milieu des années 60.
Son héros est très loin d’être le premier de la classe, sauf en rédaction. Bouc émissaire de ses grossiers condisciples qui le désignent comme traître et comme Juif, il subit un harcèlement quotidien. Fuyant la menace d’une sévère dérouillée, il décide un jour de faire l’école buissonnière avec pour tout viatique ses maigres économies et la montre en argent de sa Bar Mitzvah.
Il est de ces journées particulières qui peuvent transformer la perception que l’on a de soi et de sa destinée. Raoul va en faire l’expérience grâce à cette plongée dans le Paris d’avant mai 68 qui le conduit de la Gare du Nord et Barbès, à la porte Saint-Denis, le jardin du Luxembourg et le Boulevard Saint-Michel. Ses états d’âme évoluent au rythme de ses pas et des rencontres qui jalonnent son périple. Longtemps, il rumine sa triste condition de victime, au collège, comme à la maison, où il survit entre une mère — couveuse — et un père qui le destine à la vie pratique dès la fin du collège alors que son brillant frère aîné est en passe de devenir médecin. Bref, il n’a qu’une piètre opinion de lui-même bien qu’il tire une grande fierté de ses talents rédactionnels. Mais quel avenir avec ça, ne cesse-t-il de s’interroger ? Au fil de multiples rencontres, inquiétantes ou stimulantes, l’adolescent va laisser éclore en lui le désir de devenir écrivain et la certitude d’y parvenir.
Raoul finit par rentrer chez lui transformé. Quelques heures cruciales ont suffi pour qu’il s’émancipe du giron familial, domine sa peur des balaises de sa classe et affiche sa vocation. Jean-Pierre Gattegno nous offre à travers ce roman initiatique son chemin d’écriture.
L’étrange journée de Raoul Sévilla, de Jean-Pierre Gattegno — éditions de l’antilope