Il nait en 1947 à Nahalal, premier moshav (village agricole) d’Israël, fondé en 1921 par un groupe de pionniers parmi lesquels ses grands-parents le futur député Shmouel Dayan et son épouse Dvorah.
Sa mère Aviva, soeur de Moché Dayan, meurt d’une overdose de médicaments, une tragédie familiale, suivie des années plus tard du suicide de sa sœur.
Héritier d’une famille faisant partie de l’élite du pays depuis sa création mais aussi marquée par les drames, Geffen , va comme d’autres membres de cette famille illustre laisser une marque indélébile dans le panthéon israélien.
Membre de la bohême telavivienne au début des années 1970, il publie ses premiers poèmes puis écrit des centaines de textes dont beaucoup pour les enfants, comme la chanson culte « Ha yalda Hakhi Yafa Bagan » (la petite fille la plus jolie du jardin d’enfant) dédié à sa fille.
Ses textes seront adaptés par les plus grands chanteurs du pays d’Arik Einstein à Tzvika Pik, en passant par Matti Caspi, Rita et Ariel Zylber.
Traducteur, notamment du « Misanthrope » de Molière, il avait aussi collaboré avec le chanteur David Broza sur des traductions de chansons espagnoles, une coopération qui aboutira à l’un des disques les plus vendus d’Israël, « HaIsha She Iti » (la femme qui est avec moi) en 1983.
Traumatisé par la guerre de Kippour, qu’il a vécu comme combattant,ou il a été grièvement blessé, il va monter sur scène et s’affirmer comme l’une des voix de la satire israélienne, s’offrant la liberté de dire tout ce qu’il pense sans filtre, et ouvrant la porte à de nombreux artistes. « La satire doit toucher là où ça fait mal, c’est ce que je fais », disait-il.
Il fait partie en 1974 d’un groupe de journalistes qui va enquêter puis dénoncer les négligences des responsables qui ont conduit à la guerre de Kippour et à ses milliers de morts.Devenu antimilitariste, il s’oppose à la politique israélienne et milite au sein des organisations de gauche. Il a choisi un engagement politique très marqué et controversé, militant chevronné anti- Netanyahu. Il aura eu des prises de position très polémiques sur le conflit israélo-palestinien où la controverse et la provocation avaient leurs places.
Sa carrière va se partager entre l’écriture de chansons populaires et une critique acerbe de la société israélienne, notamment pendant dans 40 ans dans un billet hebdomadaire pour le quotidien Maariv.
Mais malgré ses opinions tranchées souvent polémiques, il était apprécié par tous, notamment ces générations d’Israéliens, qui se sont endormis enfants avec ses chansons et adultes ont fredonné ses plus grands titres, de ceux qui accompagnent une vie.
D’un point de vue français, on peut le comparer à Jean-Jacques Goldman, un auteur ayant offert ses plus beaux textes aux chanteurs les plus populaires de son pays durant des décennies
Dans une de ses compositions, il avait rendu hommage à un de ses camarades tué pendant son service le comparant au Petit Prince de Saint-Exupéry:
« Je l’ai rencontré au cœur du désert, c’est beau un coucher de soleil pour un coeur triste, je lui ai dessiné un arbre et un mouton sur une feuille et il m’a promis de revenir…le petit prince de la compagnie Bet ne verra plus de mouton manger une fleur et toutes ses roses sont maintenant des épines, son petit cœur est gelé comme de la glace » (Le petit prince, 1975, traduction libre).
Pour le chanteur Shlomo Artzi, cette chanson est l’un de ses plus beaux titres car « personne ne pouvait mieux décrire que Geffen un soldat israélien comme un petit prince tombé dans le désert ».
Dans sa dernière interview donnée au quotidien Yediot Aharonot, il avait déclaré « être encore curieux et continuer de poser des questions que seuls les enfants posent ».
« Après toutes ces années, on peut dire que j’ai le droit de me reposer », avait-il ajouté, évoquant sa vieillesse.
Père du célèbre chanteur Aviv Geffen et de la réalisatrice Shira Geffen, épouse de l’écrivain Etgar Keret, il laisse le souvenir d’un personnage incontournable de la culture locale.
« Nous avons perdu un créateur talentueux et unique en son genre…il savait prendre les petits et les grands instants de la vie et les transformer en textes éternels », a affirmé le président de l’Etat Yitzhak Herzog.
Il a été enterré à Nahalal, une semaine après les funérailles dans le même cimetière de l’écrivain Meir Shalev, autre figure centrale de la vie culturelle israélienne.