« Soldats de Tsahal, sur terre, dans les airs et en mer, D.ieu est avec vous, héros courageux. Écoute Israël, vous allez mener aujourd’hui une guerre contre vos ennemis. C’est un grand jour pour le peuple d’Israël, à la veille du combat décisif pour la délivrance d’Israël de ses ennemis qui se sont levés contre lui pour l’exterminer et le détruire. Mes chers soldats, les yeux de tout Israël sont tournés vers vous. Que votre cœur ne craigne rien, n’ayez pas peur, ne vous arrêtez pas devant eux, car l’Éternel votre D.ieu vous accompagne pour combattre avec vous contre vos ennemis et vous sauver ».
Ce message, poignant, n’a pas été écrit aujourd’hui.
Ni hier.
Ni avant-hier.
Il a été prononcé par le rabbin Shlomo Goren, en juin 1967.
Quelques jours plus tard, il sonne du shofar devant le Mur des lamentations, en uniforme, juste après la libération de la vieille ville et récite la bénédiction chéhé’hyanou. Sa photo historique a fait le tour du monde.
Les années de jeunesse
Né Shlomo Gorenchik en 1917 à Zambrów, en Pologne, Shlomo Goren est une figure majeure d’Israël et du sionisme religieux : c’est lui qui a créé le rabbinat de Tsahal, participant à ce titre aux trois premières guerres israélo-arabes. Auteur de plusieurs livres de Loi juive, entre tradition et modernité, il a officié successivement en tant que grand-rabbin de l’armée de Tel-Aviv et enfin d’Israël. Aumônier général et parachutiste pendant la guerre de Six jours, il a toujours pensé que sa place était parmi les soldats des premières lignes.
Retour en arrière
Shlomo arrive en Israël à l’âge de sept ans, avec ses parents hassidim qui fondent le village de Kfar Hassidim. Dans son enfance, il travaille davantage dans les champs qu’à l’école jusqu’à son déménagement à Jérusalem. Shlomo commence à étudier plus sérieusement la Torah et est vite identifié par ses enseignants comme un surdoué. Un an avant sa Bar Mitsva, il part à la Yeshiva de Hébron. Nommé Rav à 17 ans, il écrit et publie, au même âge, son premier livre Nézer Hakodesh.
En parallèle, le jeune homme s’inscrit à l’université hébraïque et rejoint les rangs de Lekhi – Lohamei Herut Israël, Combattants pour la liberté d’Israël –, un groupe paramilitaire sioniste, actif entre 1940 et 1948. Au début de la guerre d’Indépendance, il intègre la Haganah, dans un souci d’unité. Bien qu’officiellement dispensé du service actif par sa fonction, Shlomo Goren participe activement à la défense de Jérusalem, en tant que tireur d’élite.
Le premier rabbin de Tsahal
Il n’accepte d’ailleurs sa nomination de Grand rabbin de l’armée juive qu’à la condition de pouvoir continuer de se battre à son poste, la nuit. Le Rav Herzog, grand rabbin d’Israël de l’époque, connaissant à la fois sa grandeur dans la Torah, sa détermination et son courage, a insisté, avec le ministre des Cultes, auprès de David Ben Gourion pour que lui soit confié le tout premier poste de Grand rabbin de Tsahal. Une nouvelle fonction à définir, puisque, évidemment, elle n’existait pas auparavant. À ce poste-clé, le Rav/Colonel – et bientôt Général – Goren, parachutiste et tireur d’élite, effectue un travail exceptionnel.
Dès son entrée en fonction, il participe à dessiner la future Tsahal et prend des décisions majeures. C’est lui qui, dans la situation d’urgence de 1948, autorise de manière exceptionnelle la fabrication d’armes le Shabbat et la distribution de viande non casher aux malades et aux blessés. Il approuve aussi l’enterrement de combattants non juifs, morts au combat pour la défense de Jérusalem, dans des cimetières juifs. En parallèle, il réussit à convaincre les haredim hiérosolymitains de participer à la défense de la ville en creusant une tranchée pour bloquer les tanks jordaniens.
Il se refuse à la création d’unités composées exclusivement de combattants religieux, fait l’impossible pour rapatrier les corps de soldats – quitte à risquer sa vie pour les récupérer –, œuvre, entre autres, pour la cause des agounot, femmes dont l’époux a disparu et leur droit à se remarier. Il met en place des cuisines casher dans toutes les unités de Tsahal ainsi que des lieux de prière, sans jamais en imposer la fréquentation. Il entame un travail sur l’emplacement exact de tous les lieux saints – défendus aux juifs – afin que le Mont du temple reste sous contrôle israélien et se heurte à Moshé Dayan. Il obtient que le Tombeau des Patriarches à Hébron soit sous contrôle juif.
Grand rabbin d’Israël aux côtés de Rav Ovadia Yossef
Après l’armée, le Rav Goren sera nommé Grand Rabbin de Tel-Aviv, puis Grand Rabbin ashkénaze d’Israël en cohabitation avec le Rav Ovadia Yossef, Rishon Letzion, sépharade, malgré des divergences d’opinion.
Shlomo Goren est mort le 29 octobre 1994 à Tel Aviv. Son esprit de tolérance, ses actions concrètes et sa vision du Am Israël –peuple d’Israël-, restent un héritage précieux et font de lui un des hommes les plus marquants de l’histoire d’Israël.