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1943… Rafles du Vieux Port de Marseille

Nuit du 23 janvier 1943, Chabbat, les rafles de Marseille, au Vieux Port, visent les Juifs . Aucun ne reviendra des camps de la mort...
1943... Rafles du Vieux Port de Marseille

Marseille, hiver-printemps 1943 : la rafle oubliée.

En janvier dernier, à l’occasion du 80e anniversaire des rafles du Vieux port et de l’Opéra, l’État était présent, aux côtés des autorités locales, des associations et de quelques-uns des derniers témoins de cet événement tragique qui marqua, au mois de janvier 1943, d’une seconde pierre noire l’histoire de la collaboration en France.

Une conséquence indirecte de l’annexion de la Zone Sud

En novembre 1942, le débarquement des Alliés en Afrique du Nord conduit à l’occupation de la « Zone Sud », laissée sous le contrôle de Vichy après l’armistice signée le 22 juin 1940.

Marseille cristallise immédiatement l’attention des autorités allemandes qui redoutent que la ville ne devienne un important centre de résistance.

La cité portuaire est en effet le point de départ et le lieu d’arrivée de nombreuses personnes. Par ailleurs, les Vieux-Quartiers, honnis par les notables locaux en raison de la forte concentration d’immigrés pauvres qui s’y trouvent, constituent de longue date un repère de brigands, de trafics et accueillent de ce fait toutes sortes d’« indésirables » que d’aucuns aimeraient voir disparaître.

Si la décision vient de Berlin, son envergure est en revanche toute française.

L’opération Sultan

Le 22  janvier, l’opération Sultan est déclenchée, officiellement « en représailles » de deux attentats qui ont coûté la vie à plusieurs officiers et soldats allemands quelques jours plus tôt.

Sur les vingt mille habitants que compte le périmètre ceinturé par la police française, la gendarmerie, la garde mobile et la SS, plusieurs milliers sont arrêtés et interrogés. Personne n’est témoin, tout le monde est « suspect ».

Aussi n’estime-t-on pas utile, comme à Paris lors de la rafle du Vel d’Hiv l’été précédent, de ménager les victimes. Parmi ces dernières, on compte des communistes, des prostituées, des « vagabonds », des « gens sans aveu », des apatrides… et des Juifs.

Dans le quartier Saint-Jean vivent en effet des personnes de toutes origines.

Des Italiens, des Espagnols, des Kabyles, des travailleurs noirs et de nombreux « Israélites », originaires de l’Empire ottoman, mais également d’Europe de l’Est.

Si certains sont des réfugiés arrivés de fraîche date, la majorité est, à l’inverse, installée dans ce quartier de Marseille depuis le XIXe siècle.

Certains Juifs allemands ont traversé la ligne de démarcation à l’été 1940, espérant, depuis le port de Marseille, gagner l’Afrique du Nord, l’Amérique ou la Palestine mandataire.

Devenue une ville refuge, la Cité phocéenne accueille ainsi des milliers de migrants qui tentent d’obtenir les papiers nécessaires au départ auprès des consulats et légations qui s’y sont repliés.

Un État français zélé ?

L’État français espère se débarrasser de tous ces « indésirables » et devance les attentes des Allemands en proposant d’élargir la traque à l’ensemble de la ville et en donnant une complète liberté aux enquêteurs français.

Le secrétaire général de la police du régime de Vichy, René Bousquet, sous l’autorité duquel a été placée l’opération Sultan, espère se faire remarquer par l’état-major allemand à cette occasion.

Le travail de « nettoyage » est ainsi assuré par les forces de police et de gendarmerie, sous le regard attentif de la SS et de la Wehrmacht. Pour mener les enquêtes, mille deux cents inspecteurs ont été dépêchés depuis Paris et le reste de la France.

Plus de douze mille policiers sont chargés de les assister dans leur besogne.

Deux jours durant, toutes les maisons des quartiers populaires sont perquisitionnées et passées au peigne fin, quarante mille vérifications d’identités sont réalisées et plus de six mille arrestations effectuées.

Les quinze mille personnes arrêtées au cours de l’opération Sultan ne subissent néanmoins pas le même traitement.

Un sort différent pour les Juifs

Organisée la nuit du 23 janvier — le jour du Chabbat —, la rafle visant les Juifs est d’une grande brutalité.

Ejectés hors de chez eux dans un vacarme assourdissant, pour certains en pyjamas, ils n’ont le ni temps de faire leurs bagages ni d’emporter leurs effets personnels.

Amorcée vers 22 h 30 le vendredi soir, l’opération — minutieusement préparée — se déroule jusqu’à 5 heures le lendemain matin, notamment dans le quartier de l’Opéra où les familles juives sont nombreuses.

Des serruriers réquisitionnés pour la circonstance et des truands recrutés parmi la pègre locale sont employés par la Gestapo pour assister la police lors des perquisitions et des arrestations. La procédure est ainsi non seulement expéditive, mais également très violente.

Jacques Delarue, jeune gardien de la paix qui assiste à l’opération, laissera ce témoignage poignant : « Les vieillards et les enfants pleuraient et grelottaient dans le matin glacial.

Tout le monde, surchargé de paquets hétéroclites, s’interpelait, interrogeant les agents, cherchant à comprendre les causes du malheur qui les frappait si brutalement. »

Sélections et déportations

Transférés en wagons plombés jusqu’à Fréjus, les milliers de personnes arrêtées font l’objet d’une première sélection. Beaucoup sont relâchés après un examen de situation.

D’autres, mille six cent quarante-deux personnes, partiront directement de la gare d’Arenc à Marseille, sous le regard vigilant de la SS, pour être envoyées fin janvier au camp de Compiègne dans le nord de la France.

Parmi elles, on compte sept cent quatre-vingt-deux Juifs, dont cinq cent soixante-dix ont la nationalité française.

Les victimes juives des rafles de l’Opéra et du Vieux Port seront finalement, les 23 et 25 mars 1943, déportés au camp d’extermination de Sobibor, via Drancy, où on les a acheminées au début du mois.

Des convois 52 et 53 en partance de France et à destination des camps de la mort, aucun des Marseillais raflés en janvier 1943 n’est revenu.

Crédit photo : Rafle Opéra © adoc-photos

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