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Entre résilience et tragédie : 1000 Ans de présence juive en Ukraine

Lieu d'essor du Hassidisme du BeSht, terre natale du poète soviétique Isaac Babel, de l’écrivain israélien Haïm Nahman Bialik ou encore de l’ancienne Premier ministre d'Israël Golda Meïr, l’Ukraine est dirigée, depuis mai 2019, par un président d'origine juive. Malgré une histoire longue de dix siècles, la communauté juive d'Ukraine se réduit aujourd'hui comme peau de chagrin... Retour sur 1000 ans d'histoire.
Entre résilience et tragédie : 1000 Ans de présence juive en Ukraine

Lieu d’essor du Hassidisme du BeSht, terre natale du poète soviétique Isaac Babel, de l’écrivain israélien Haïm Nahman Bialik ou encore de l’ancienne Premier ministre d’Israël Golda Meïr, l’Ukraine est dirigée, depuis mai 2019, par un président d’origine juive. Malgré une histoire longue de dix siècles, la communauté juive d’Ukraine se réduit aujourd’hui comme peau de chagrin… Retour sur 1000 ans d’histoire.

Arrivés depuis l’Empire byzantin vers l’an 1000, les Juifs d’Ukraine sont déjà nombreux à la fin du Moyen Age, lorsqu’ils sont rejoints par des communautés juives exilées de l’espace germanique. Au XVe siècle, des « villes privées » fondées par la noblesse, offrent dans l’est de l’Europe certains privilèges aux juifs qui viennent s’y installer, en échange d’une participation à la défense communale. Les synagogues construites à cette époque seront ainsi souvent fortifiées, pour servir de places stratégiques en cas d’attaque. 

Mais cette période d’expansion et d’essor économique est brutalement interrompue par la révolte de l’hetman Bogdan Khmelnytskyï, dont les troupes cosaques déciment en 1648 les communautés juives d’Ukraine, jugées responsables de s’être enrichies sur le dos du peuple. Suivront trente années de destructions, de pillages et de massacres…

 

Fuyant l’invasion tartare de la Crimée et les représailles qui suivent les défaites face aux Suédois lors de la guerre de Trente Ans, beaucoup de Juifs se terrent et prient, tandis que d’autres prennent les armes comme à Toultchyn, où leurs alliés polonais finissent par les abandonner aux Cosaques déchaînés. Ces terribles pogroms marqueront durablement les esprits et influenceront notablement le développement du judaïsme de la région. 

C’est en effet dans le sillage de ces massacres – qui font disparaître 300 communautés juives du jour au lendemain – que se développent des courants messianiques (Frankisme) ou mystiques.

L’atteinte morale et la déception  provoquée par plusieurs faux-messies, annoncent l’avènement du courant Hassidique, initié par le rabbin Israël ben Eliezer, mieux connu sous le nom de Ba’al Shem Tov ou BeSHt (1698-1760). Ce mouvement religieux, qui apparait en cours du XVIIIe siècle en Podolie (aujourd’hui en Ukraine)  – d’où est originaire le BeSHt-  encourage les masses à une plus grande ferveur dans la prière, et invite  les croyants à pratiquer  les commandements dans  la joie.

L’Ukraine devient russe… 

Avec l’extension de l’Empire russe, et le passage des Juifs sous l’autorité des tsars, l’autonomie des villes privées est maintenue et le système éducatif traditionnel perdure. Sous l’impératrice Catherine la Grande, l’autorisation donnée aux Juifs les plus aisés de rejoindre les guildes conduit à l’urbanisation des élites, là où les plus pauvres continuent de partager le sort misérable de leurs voisins chrétiens dans les campagnes. Une embellie relative donc, qui disparaitra avec les difficultés économiques que connaît la Russie au XIXe siècle. Une Zone de Résidence est alors imposée aux Juifs de l’empire tsariste dans l’ouest et le sud de l’Ukraine, où la forte concentration de communautés rend les Juifs d’autant plus vulnérables face aux attaques. Entre 1821 et 1911, les pogroms s’enchainent ainsi à un rythme croissant. Que ce soit à Odessa ou à Kiev, le déclenchement des massacres obéit à des scénarios analogues : un événement anodin est médiatisé par une presse nationaliste qui impute les malheurs du peuple aux « étrangers ». Les Juifs de la Zone de Résidence, qui n’émigrent pas en Amérique (près de 2 millions après 1881), s’engagent alors dans les mouvements révolutionnaires qui agitent au même moment l’Empire tsariste. Leur participation à la révolution de 1917 sera, à cet égard, déterminante (Zinoviev, Trotski…). 

 

Le XXe siècle, de tragédie en tragédie…

 

Haïs de leurs voisins, pour des raisons religieuses, politiques comme économiques, les communautés juives d’Ukraine – qui comptent, dans les années 1930, pour 3/5e de la population juive soviétique – vont payer un lourd tribut pendant la Shoah. L’invasion de l’URSS par l’armée allemande en juin 1941 déchaîne la folie meurtrière des milices ukrainiennes, qui prêtent main forte à l’envahisseur lors de l’extermination des communautés historiques de Jitomyr, Ouman, Berditchev et Kiev. En tout, plus d’un million de Juifs seront assassinés en Ukraine par les Allemands et leurs collaborateurs locaux au cours de la Shoah. 

Entre 1941 et 1944, près d’un million et demi de Juifs d’Ukraine a été assassiné lors de l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne nazie. L’immense majorité est morte victime de la  ‘’Shoah par balles’’  réalisée à l’Est par des unités mobiles d’exécuteurs  SS (Einsatzgruppen), assistes de membres de la police allemande et de collaborateurs locaux.  Une minorité seulement disparaitra, après déportation, dans les camps d’extermination.

Le massacre de Babi Yar est le plus grand massacre de la Shoah ukrainienne par balles mené par les Einsatzgruppen en URSS : 33 771 Juifs furent assassinés par les nazis et leurs collaborateurs locaux, principalement le 201e bataillon Schutzmannschaft, les 29 et 30 septembre 1941 aux abords du ravin de Babi Yar à Kiev.

Les Juifs ukrainiens incorporés dans l’Armée rouge et les rescapés qui ont pu se cacher pendant les fusillades de masse connaîtront le dénuement le plus total après-guerre, dans une Ukraine où la traque des « éléments étrangers » s’intensifie. Des dizaines de milliers de survivants juifs quittent l’URSS de façon clandestine dans les années 1960-1980, puis légalement lors de la chute du Bloc soviétique en 1991. 

 

Etat de la situation en 2024

Comment ne pas évoquer aussi l’importance du pèlerinage à Ouman, ville ukrainienne ou Chaque année, des pèlerins viennent du monde entier pour le Nouvel an juif sur la tombe de Rabbi Nahman de Breslev (1772-1810), une des principales figures du hassidisme. Malgré la guerre, cette année ils étaient plus de 22.000 pèlerins rassemblés dans la ville ukrainienne d’Ouman.

Si 190 000 personnes sont aujourd’hui éligibles à la citoyenneté israélienne (en vertu de la Loi du Retour), seules 40 000 d’entre elles sont officiellement enregistrées comme relevant de la foi mosaïque. Leur nombre pourrait néanmoins être bien plus important si l’on considère que la récurrence des actes antisémites, la présence de groupuscules néo-nazis et l’assimilation due à presque un siècle de communisme forcé, ont poussé, au fil des décennies, de nombreuses familles à ne pas afficher leurs origines. 

Un étrange paradoxe, dans un pays qui a élu il y a dix ans Volodymyr Groysman président du Parlement ukrainien, et en mai 2019 Volodymyr Zelensky Président de la République, un personnage devenu – depuis le déclenchement de la guerre contre la Russie – un véritable héros national, tous deux  sont d’origine juive. 

 

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