Les pirates juifs des Caraïbes ?
Qui n’a jamais entendu parler d’une chose pareille ?
Jack Sparrow porterait-il une Kippa sous son mythique tricorne de capitaine ?
Edward Teach, le légendaire Barbe Noire serait-il, au vu de son chapeau et de sa barbe, un rabbin déguisé ?
Y a t’il eu des flibustiers avec un crochet au bras droit et des téfilines sur le gauche ?
Pour le savoir, suivez-nous dans cette page oubliée de l’histoire juive…
Le 3 août 1492, le navigateur Christophe Colomb lève l’ancre vers l’Inde, mais son nouvel itinéraire, en voguant vers l’ouest, lui fera découvrir un nouveau continent : l’Amérique.
A la demande de Colomb, le départ fut repoussé de quelques jours, au 10 Av, jour de l’application du décret d’expulsion des Juifs d’Espagne.
Même ceux qui refusent la théorie persistante de la judéité du navigateur génois, ils s’accordent sur ses relations amicales avec les Juifs.
Il côtoya beaucoup de navigateurs, cartographes, mathématiciens et astronomes, qui souvent, étaient juifs.
Ceux-ci furent les grands soutiens de son projet de rejoindre les Indes par l’Atlantique.
On se rappellera surtout de Louis de Santangel et de Gabriel Sanchez, deux juifs convertis qui financèrent son premier voyage.
On ne sera donc pas surpris de retrouver parmi ses passagers, de nombreux marranes fuyant l’Inquisition et le funeste destin qu’elle leur réservait…
Chassés d’Espagne puis du Portugal, de nombreux Juifs se tourneront vers les colonies des Antilles.
Charles Quint lui-même, envoya des marranes fonder la première colonie juive de la Jamaïque et dynamiser l’économie de l’île.
Mais le long bras de l’Inquisition poursuivra les marranes jusqu’aux territoires d’outre mer.
Tous ? Non !
La Jamaïque échappera au pouvoir de l’Église, grâce à Maria de Toledo Colomb, bru de Christophe Colomb, qui obtient de Charles Quint, la possession de l’île et sa protection de l’Eglise.
Ce premier espace religieusement libre du Nouveau Monde devient un lieu de commerce florissant.
Les marranes y affluent, planteurs de canne à sucre,ou marchands, échangeant avec les hommes d’affaires juifs européens.
Certains choisiront une vie beaucoup plus aventureuse, voire dangereuse.
Ils deviendront parfois pirates, mais souvent corsaires, autorisés par une lettre de marque des Ottomans ou des Hollandais.
Le corsaire, à la différence du pirate, n’est pas un bandit mais un soldat.
Mandaté par un état, il attaque les navires d’une puissance ennemie selon les lois de la guerre.
Au bord de navires du nom de « Reine Esther », « Jérusalem » ou « Bouclier d’Avraham », ils s’attaqueront principalement aux navires espagnols et portugais.
Sans la justifier, nous ne pouvons que constater la soif de revanche contre l’oppresseur et le tortionnaire d’hier : l’Espagne et le Saint Office de l’Inquisition.
Opérons ensemble un petit tour d’horizon des portraits de ces hommes aux destins à tous points de vue » houleux « , mais néanmoins fascinants…
Sinan Reis (1492-1546), connu sous le nom du “Grand Juif “, était le capitaine favori de l’ottoman Khizir Khayr ad-Dîn, alias Barberousse. Une de ses plus belles victoires fut la bataille de Prévéza en Grèce, en 1538. A bord de son navire arborant fièrement une Étoile de David, il y détruisit une grande partie de la flotte espagnole.
Ses hommes le prennent pour un magicien, car il retrouve toujours sa route. Il utilise en fait un instrument de navigation appelé le « Bâton de Jacob ».
Cette invention du Rabbin Levi ben Gershon est le précurseur du sextant, qui lui permet de guider son navire grâce à la position des étoiles.
Apprécié pour son humanité, à l’époque où l’on massacrait les prisonniers, il gracia même les chevaliers de l’ordre de Malte lors de la prise de Tripoli.
Il devint finalement Kaptan Pacha, amiral suprême de la marine turque.
Yaakov Koriel est un marrane, ancien marin espagnol. Reconnu puis capturé et torturé, il s’enfuira aux Caraïbes. A la tête de trois navires, il fera des ravages chez la flotte espagnole.
Il abandonnera finalement cette voie dans une techouva, un retour vers D.ieu exemplaire. Il ira étudier à Safed chez Rabbi Haïm Vital, élève du Arizal, qui le formera à l’étude de la Torah puis de la Kabbale. Il aura le mérite d’être enterré auprès du Arizal dans le vieux cimetière de Safed.
Moise Cohen Henriques, corsaire d’origine portugaise, captura plus de 500 navires espagnols pour le compte de la Hollande. L’un d’eux portait un trésor d’une valeur actuelle de plus d’un milliard de dollars…
Capitaine et stratège exemplaire, il vint à bout d’une armada de douze galions espagnols, sans avoir à déplorer la perte d’un seul de ses hommes.
Ayant acheté sa propre île au large du Brésil, il l’appela » Antonio Vaz « , de son nom de converti, ultime pied de nez à l’Inquisition qui l’avait poursuivi.
Il deviendra le conseiller du légendaire ex-pirate Henry Morgan, désormais anobli et vice-gouverneur de la Jamaïque.
Ils furent nombreux, ces hommes au destin surprenant : le Capitaine Davis surnom de David Abravanel, capitaine du « Jérusalem », Balthasar le Portugais, à la malchance surprenante, et qui aurait établi l’un des premiers codes des pirates, Samuel Palache, qui mangeait casher dans tous ses périples mais aussi Motta le Portugais, et tant d’autres encore…
En 1692, un tremblement de terre inonda Port Royal.
Cette catastrophe signa la fin de l’ère de la piraterie en Jamaïque. Le gouverneur Morgan se tourna vers le commerce du sucre de canne, suivi par les Juifs des Caraïbes devenus cultivateurs et marchands.
Près de 10.000 marranes, soit 5% des colons sur le continent américain et 15% de ceux peuplant les îles des Caraïbes, constituèrent une part capitale du futur peuple des deux Amériques.
Ces Juifs reprirent d’ailleurs les armes pour jouer un rôle déterminant dans la Guerre d’Indépendance des futurs Etats Unis d’Amérique.
Une douzaine de pirates juifs de renom y vainquirent plus de six cents bateaux anglais.
Plus tard, le célèbre pirate Jean Lafitte, né en France en 1780, descendant par sa mère de victimes de l’Inquisition, offre son aide au général (et futur président) Andrew Jackson pour libérer la Nouvelle-Orléans lors de la seconde Guerre d’indépendance.
Il se verra attribuer le mérite personnel d’avoir protégé, en 1814, la Louisiane des forces britanniques.
Ces destins tumultueux nous surprennent et nous interpellent. Au cours de leur histoire, les Juifs ont mené de nombreux combats, malgré les périls, pour des causes qui leur semblaient justifiées.
Pourtant, le risque de se tromper de combat existe toujours.
Se battre pour la vengeance, la gloire ou le profit reste problématique. Seule la lumière des valeurs de la Torah, balise éternelle du pilote juif, peut éclairer la route nous garantissant de rentrer à bon port…