Le chêne a été vénéré par les civilisations humaines comme symbole de noblesse et de royauté. Il se dit אלון — alon — en hébreu, un nom qui contient la racine אל — el — qui fait référence au divin.
Les prophètes d’Israël voyaient le chêne comme symbole de puissance au même titre que le cèdre : « Oui, un jour de l’Éternel des Armées sera […] contre tous les cèdres du Liban, élevés et exaltés, et contre les chênes de Bashan.[1]Isaïe 2:12-13 »
Amos en parle comme synonyme de force[2]Amos 2:9, Zacharie comme arbre de Bashan[3]Zacharie 2:11, nom biblique du Golan où régnaient des géants, et Ezékiel comme bois solide avec lequel les Phéniciens fabriquaient les rames de navires[4]Ezékiel 27:6. Les chênes servaient aussi de points de repère ou lieux-dits, comme le chêne des pleurs[5]Genèse 35:8, le chêne des mauvais augures[6]Juges 9:37, etc.
Son bois était cependant interdit d’usage dans l’autel du Temple : « Tous les arbres sont « casher » par rapport à l’autel, à l’exception de l’olivier et de la vigne ; et R. E.[7]Note de l’auteur : indiqué ר« א dans le texte, peut-être le fameux Rabbi Eliézer. interdit 5 arbres supplémentaires, à savoir le sycomore, le caroubier, le palmier, le micocoulier, et le chêne[8]Tossefta Ménachot 9:43. »
On trouve trois espèces principales de chênes en Israël : le chêne commun (אלון מצוי), le chêne de Thabor (אלון התבור), et le chêne de Boissier (אלון התולע). Deux autres espèces se trouvent au Mont Hermon après une certaine altitude.
Le chêne commun
Le chêne commun est le plus répandu. On le trouve surtout sur des sols de roche calcaire — גיר en hébreu — donc en Galilée, sur le Golan et sur les monts de Judée-Samarie. Il est le plus petit des trois, mais le seul à ne pas perdre ses feuilles en hiver.
Plusieurs des chênes communs ont une histoire. Tout d’abord, le chêne d’Abraham, nommé ainsi car le patriarche avait posé sa tente aux chênes de Mamré[9]Genèse 13:18, une colline à l’ouest de Hébron. Il est représenté sur la mosaïque byzantine de Madaba, datant d’il y a 1 500 ans environ, avec la mention « chêne de Mamré » en grec. Il figure aussi sur maintes gravures anciennes et était pris en photo à partir de la fin du XIXe siècle. Le chêne a même été mentionné par Flavius Josèphe, il y a 2 000 ans : « C’est ainsi que Simon […] lança une attaque soudaine contre la ville d’Hébron et la prit. […] Or, les habitants du pays […] racontent que c’était le lieu de résidence d’Abraham. […] On y voit, à six stades de la ville, un très grand arbre […] et on dit que cet arbre a subsisté depuis la création du monde.[10]Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs contre Rome, Livre IV, section 529 »
Malheureusement, ce chêne s’est finalement effondré en 2019.
Un autre exemple est le chêne solitaire du Goush Etzion dont l’âge est estimé à 700 ans. Il est situé en haut d’une colline et était le point de jonction des différentes colonies agricoles du Goush Etzion avant 1948. Pendant la guerre, la Jordanie a conquis la Judée-Samarie et a liquidé les habitants juifs. Cependant, l’arbre pouvait être observé de loin, à partir du territoire israélien, et était devenu le symbole d’un retour attendu. Il fut choisi comme emblème du Goush Etzion. Puis le rêve est devenu réalité après la guerre des Six Jours, lorsqu’Israël a repris ces territoires. De nouvelles colonies agricoles ont été créées et le chêne se trouve sur celle d’Alon Shvout — en hébreu אלון שבות — dont le nom signifie « le chêne du retour ». Désormais, il n’est plus « le chêne solitaire » !
Le chêne de Thabor
Cette espèce tire son nom du mont Thabor, une montagne remarquable en Basse-Galilée qui servait de frontière entre trois tribus d’Israël : Issachar, Zébulon et Naftali[11]Josué 19:12, 22, 34. C’est un chêne qui a besoin de fraîcheur que l’on trouve donc sur les collines du nord. On peut quelquefois y apercevoir un oiseau coloré : il s’agit du geai des chênes (עורבני en hébreu). Il arbore sur ses ailes les couleurs bleu-blanc d’Israël.
Un chêne de Thabor impressionnant se trouve près de la tombe de Rabbi Halafta et de son fils Rabbi Yossi, qui était élève de Rabbi Akiva au IIe siècle et un tanna souvent cité dans le Talmud comme « Rabbi Yossi ». Ce chêne, âgé d’au moins 600 ans, avait déjà été mentionné par le voyageur juif italien Moïse Bassola en 1523.
Le chêne de Boissier
Le chêne de Boissier, aussi appelé chêne d’Alep, pousse sur les hauteurs au-delà de 800 mètres. On le trouve surtout en Haute Galilée et sur le Golan. Son nom est תולע en hébreu, qui veut dire chenille, car l’arbre est parasité par cet insecte qui forme une galle. Dans l’ancien temps, celle-ci était récoltée, moulue en farine et cuite pour produire le colorant écarlate. La chenille est surnommée « kermès des teinturiers » (תולעת השני en hébreu[12]Isaïe 1:18 ). Le prophète Nahoum parle de soldats habillés de pourpre, couleur issue de cette chenille[13]Nahoum 2:4. Ces galles servent aussi à fabriquer l’encre noire utilisée par les scribes de la Torah.
La Torah parle de Déborah, la nourrice de Rébecca, femme du patriarche Isaac, qui a été enterrée à Beth-El sous un chêne[14] Genèse 35:8. Or, sur le site antique de Beth-El se trouve un chêne de Boissier vieux d’au moins 1 000 ans et donc choisi comme le chêne biblique de Déborah.
Notons que l’âge des chênes n’est qu’approximatif dans leur état actuel car cet arbre se régénère comme l’a dit le prophète Isaïe : « Tout comme le térébinthe et le chêne, lorsqu’on les abat, conservent leur souche, la race sainte verra subsister une souche.[15]Isaïe 6:13 »
Un chêne ancien peut donc être bien plus vieux qu’il ne parait aujourd’hui.
Mis à part les chênes remarquables, vous pouvez aussi effectuer de belles promenades à la rencontre de ces arbres. Par exemple, le circuit pédestre autour du sommet du mont Méron vous permet de voir les trois types de chênes dans un seul parcours, ce qui est unique en Israël. Une autre promenade est celle de la Grande Juba dans la forêt d’Odem au nord du Golan. Vous y trouverez des chênes communs et des chênes de Boissier.
Pour conclure cet article, notons la métaphore de Jotham au sujet des arbres qui voulurent de se donner un roi. Tour à tour, l’olivier, le figuier, la vigne et même l’arbrisseau épineux, refusèrent[16]Juges 9:8-15. Dommage que le rôle n’eût pas été proposé au chêne car la royauté lui va si bien !
Références
↑1 | Isaïe 2:12-13 |
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↑2 | Amos 2:9 |
↑3 | Zacharie 2:11 |
↑4 | Ezékiel 27:6 |
↑5 | Genèse 35:8 |
↑6 | Juges 9:37 |
↑7 | Note de l’auteur : indiqué ר« א dans le texte, peut-être le fameux Rabbi Eliézer. |
↑8 | Tossefta Ménachot 9:43 |
↑9 | Genèse 13:18 |
↑10 | Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs contre Rome, Livre IV, section 529 |
↑11 | Josué 19:12, 22, 34 |
↑12 | Isaïe 1:18 |
↑13 | Nahoum 2:4 |
↑14 | Genèse 35:8 |
↑15 | Isaïe 6:13 |
↑16 | Juges 9:8-15 |