La Bible dit que D.ieu a formé la femme à partir d’un membre de l’homme en déclarant qu’elle sera « une aide face à lui » (עֵזֶר כְּנֶגְדּוֹ)[1]Genèse 2:18. Expression qui a intrigué bien des commentateurs dont certains comprennent « une aide contre lui[2]Pirké de Rabbi Eliézer, 12 ». Rashi reprend le Midrash qui explique : s’il en est digne, elle sera une compagne. S’il n’en est pas digne, elle sera contre lui[3]Béréshit Rabbah 17:3. Cette ambiguïté n’a trouvé meilleure écho dans la vie des épouses de roi. En voici deux exemples.
Si on parle de reines de Jérusalem, il faut commencer avec la première d’entre elles, Michal, fille benjamine du roi Saül. La Bible nous la présente avec affection en disant qu’elle était « la petite » (הַקְּטַנָּה)[4] I Samuel 14:49 au lieu de dire « la plus jeune » comme c’est traduit de façon erronée. Pour avoir tué Goliath, David mérita d’épouser l’ainée, Meirav, des deux filles du roi Saül. Mais la popularité du nouvel héros fit ombrage au roi et celui-ci la maria à quelqu’un d’autre. Heureusement car Michal était en fait tombée amoureuse de David[5]I Samuel 18:20. C’est un cas unique dans la Bible, qui offre un narratif plutôt pudique, où les sentiments amoureux d’une femme envers un homme sont mentionné. Selon le Talmud, Michal était de toute beauté[6]Talmud, Méguilah 15a. Le roi Saül s’empressa de l’offrir en mariage à David en pensant qu’elle serait un piège pour le héros encombrant qu’il était devenu. Car il est dit que, dans un mariage, c’est l’homme qui abandonne ses parents pour s’unir à son épouse, et pas le contraire[7]Genèse 2:24. Donc Saül pensait que sa fille lui resterait attachée et qu’il pourrait faire de David ce que bon lui semblerait. Mais les choses ne tournèrent pas comme il le souhaitait car, une fois mariée, Michal se rangea au côté de David plutôt que contre lui. Shakespeare n’a rien inventé dans les amours impossibles lors de la rencontre nocturne de Roméo au balcon de Juliette : Michal a sauvé l’homme qu’elle aime, David, en le faisant descendre de son balcon avec une corde[8] I Samuel 19:12. Puis la Bible continue de nous narrer comment Michal se joua de son père pour protéger David, au point que la Bible ne l’appelle plus la fille de Saül mais l’épouse de David. La petite devint ainsi l’héroïne de l’histoire. Voyant la situation, Saül finira par expulser Michal de son palais, et la mit sous surveillance.
Deux ans plus tard, après la mort de Saül, le royaume se scinda de nouveau et une guerre civile s’ensuit. David devint roi de sa seule tribu de Juda pendant sept ans au bout desquels il fut enfin choisi pour être roi sur tout Israël. C’est seulement alors qu’il rappela Michal auprès de lui. Mais après neuf ans de séparation, David avait eu d’autres épouses et enfants entretemps. Aussi, Michal est devenue amère.
Lorsque David fit la conquête de la ville des Jébuséens pour en faire Jérusalem, la capitale du royaume unifié, il souhaita y installer l’Arche d’Alliance, et même lui construire un temple. Lorsque l’Arche fit son entrée dans la capitale, de son balcon, Michal « fille de Saül » vit son époux danser et gesticuler et elle en conçut du dédain dans son cœur et lui en fit remontrance[9] II Samuel 6:16. Lhistoire biblique de Michal s’arrêta par ce verdict lapidaire : « elle n’eut pas d’enfant jusqu’au jour de sa mort[10]II Samuel 6:23 ».
Malgré sa faute, on ne peut s’empêcher de ressentir de la compassion pour elle qui avait aimé David comme jamais la Bible ne l’avait conté ailleurs. Mais la vie ne lui a pas été favorable. David avait-il changé ? Ou n’avait-il pas aimé Michal autant qu’elle ne l’avait aimé ? Pour évoquer Michal, rendez-vous à la Cité de David au sud des murs actuels de Jérusalem. Là vous trouverez les fondations du palais jébuséen qui servit de palais au roi David et à son épouse deux fois royale, Michal.
Voyons à présent le cas d’une autre reine, à l‘époque de la coexistence pacifique des deux royaumes, de Judée et d’Israël, lorsque leurs rois respectifs avaient cherché la conciliation. Notre histoire est contée dans le 2ème livre des Rois, aux chapitres 8 à 11. Ahab roi d’Israël, marié à Jézabel (prénom qui donne Isabelle en français), princesse païenne de Tyr, eut un fils qu’il nomma Yoram (יורם)[11]II Rois 8:23. De son côté, Josaphat roi de Judée eut un fils qu’il nomma Yehoram (יהורם). Ce dernier fut ensuite marié à une fille d’Ahab. L’alliance avait ainsi été formée mais les choix cultuels étaient déséquilibrés : en Israël, Jézabel avait imposé le culte de Baal. L’osmose aidant, le royaume de Judée se laissa aussi aller au culte de Baal par l’influence de l’épouse et de la belle-mère toutes deux païennes. Pour le royaume de Judée, ceci était annonciateur de catastrophes car, pour la première fois, « Edom secoua la domination de Juda jusqu’à ce jour ». Ainsi, tous les malheurs qu’Edom imposera aux Juifs dans les siècles ultérieurs viennent de cette paganisation du royaume de Judée au temps de Yehoram qui est aussi nommé Yoram (יורם) dans la Bible. Nous sommes dans le règne de la confusion. Et, de plus, l’épouse de Yehoram était Athalia qui est mentionnée dans la Bible deux fois comme fille d’Ahab et deux fois comme fille d’Omri, père d’Ahab ! Ceci engendre la suspicion qu’il y eut des relations illicites au sein de cette famille impie.
Lorsque Yehoram mourut, son fils Ahazia lui succéda. Il avait à peine 22 ans et était sous l’influence de la maison d’Ahab, par sa mère Athalia, par son oncle Yoram roi d’Israël, et par sa grand-mère Jézabel, tous encore en vie. Mais le malheur arriva : Ahazia mourut après un an de règne, alors qu’il se trouvait auprès de Yoram roi d’Israël. Car D.ieu avait levé Jéhu contre la maison d’Ahab en lui ordonnant : « Toute la dynastie d’Ahab doit périr[12]II Rois 9:8 ». Jéhu tua les deux rois, Yoram et Ahazia, puis marcha sur la cité de Jezréel et fit jeter Jézabel du haut d’un balcon. Une prophétie du prophète Elie se réalisa alors : les chiens ont dévoré son corps et elle n’eut pas de sépulture.
Après la mort d’Ahazia, sa mère Athalia devint régente. De peur de perdre le pouvoir aux mains de la dynastie de Judée, elle fit exterminer toute la famille royale[13]II Rois 11:1. Un seul y échappa : le dernier héritier royal, Yoash, âgé d’un an qui fut caché pendant six ans dans le Temple de Jérusalem. La septième année, le grand-prêtre le fit proclamer roi de Judée. Entendant les acclamations des prêtres et des gardes, Athalia quitta le palais royal (qui se trouvait au flanc sud du mont du Temple) pour se rendre au Temple. Elle fut stupéfaite de constater qu’elle avait été trahie par l’existence de ce survivant de la famille royale (Yoash était aussi son petit-fils). En retournant au palais royal, elle fut mise à mort sur les marches de l’entrée par les gardes du Temple. Ainsi périt cette reine mauvaise, digne de sa mère Jézabel, qui causa tant de tort à la Judée. Heureusement qu’il y eut Yoash qui, ayant été élevé auprès du grand-prêtre, marcha dans les voies de D.ieu et bénéficia d’un long règne de 40 ans.
Pour évoquer Athalia, il faut se rendre aux marches des portes de Huldah (accès par le centre Davidson) qui peuvent être figuratives de celles des marches du palais sur lesquelles Athalia a été assassinée.
Si le sujet des reines de Jérusalem vous intéresse, nous y reviendrons avec d’autres personnages dans d’autres époques.