Vraisemblablement originaire de Chine il y a plusieurs millénaires, le cédrat poussait en abondance dans le Yunnan, une province du sud-ouest de la Chine. Il fut le premier agrume à gagner l’Europe environ trois siècles avant notre ère. Plantés depuis lors sur les côtes méditerranéennes, la Corse est d’ailleurs devenue, à la fin du XIXe siècle, le plus gros producteur de cédrats au monde. Cette variété de citron, le Citrus Medica L. Corsican, la « pomme d’or », peut peser jusqu’à deux kilos et mesurer jusqu’à 20 cm de long. Il ressemble à un très gros citron bosselé. Son écorce est jaune et très épaisse. Difficile à peler, cette épaisse écorce ne laisse que peu de place à la pulpe. De couleur jaune, la pulpe est peu juteuse, acide ou amère, et parsemée de nombreux pépins. Il se récolte de septembre à novembre. Le cédrat ou étrog en hébreu est à l’origine de tous les agrumes du monde, aux côtés du pomelo, de la mandarine et des papedas dont sont issus le yuzu et le combava. Son parfum est sa qualité première. Il embaumera de son doux parfum votre intérieur. Les parfumeurs l’ont bien vite compris, c’est pourquoi le cédrat entre dans la composition de nombreuses compositions de grandes maisons. Il offre également de nombreux bienfaits pour notre santé car il est riche en vitamines A, B1, B2, B3, C, bêtacarotène, silicium, calcium, cuivre, phosphore et manganèse. Grâce à sa teneur en vitamines C notamment, il est utile en cas de fatigue ou de manque de vitalité. Il aidera également à se prévenir des maladies virales. Enfin, il peut jouer un rôle d’antidépresseur, il stimulerait l’intellect et accroîtrait la vigilance. Je vous invite à découvrir le célèbre jus d’Étrog chez Uzi Eli, dans son échoppe du marché Mahané Yéhouda à Jérusalem. Avec cette préparation à boire qu’il a appris de ses ancêtres perses, il affirme avec le sourire et conviction qu’il peut soigner avec l’étrog de nombreuses maladies. Après la fête de Souccot, la tradition veut que l’on prépare avec tous les étrogs de la famille une délicieuse confiture, dont le goût est très délicat. Très savoureuse et digeste, la confiture de cédrat rivalise avec la confiture d’orange.
L’étrog et les Juifs
Pour les Juifs, se procurer un cédrat pour Souccot est une obligation qui n’a pas de prix et qui fait l’objet de nombreux contes et légendes. Les sources juives anciennes décrivent les célébrations de la fête de Souccot sans faire aucunement mention du cédrat. Ainsi, le livre de Nehemiah (8:14-15) décrit l’obligation de rassembler des feuillages et d’habiter sous des tentes. Dans Vayikra 23:40,on peut lire l’expression « פרי עץ הדר », que l’on peut traduire par « les fruits de la magnificence» . Dans le Talmud ( Soucah 35a) nos Sages déduisent de cette expression qu’il ne peut s’agir que de l’etrog conformément à la loi orale reçue lors de la révélation au Sinaï. Désormais, l’étrog fait partie de la composition du bouquet de Souccot que tout Juif doit agiter dans sa Soucca. Ce bouquet est composé de quatre espèces représentant quatre types de juifs :
— La feuille de saule n’a ni goût ni odeur. Ce sont les personnes qui n’étudient pas la Torah et ne font pas de bonnes actions.
— La branche de palmier qui a du goût mais pas d’odeur. Il renvoie aux personnes qui étudient mais qui n’accomplissent pas de bonnes actions.
— La myrte qui a une bonne odeur mais n’est pas comestible. Elle symbolise ceux qui accomplissent de bonnes actions mais n’acquièrent pas la connaissance.
— Le Cédrat qui a un bon goût et une bonne odeur. Il représente les personnes qui étudient et accomplissent de bonnes actions.
Réunir les quatre espèces revient à rassembler tout Israël indissociable aux yeux de D.ieu.
Vérification des quatre espèces — carte de vœux de Roch Hachana, 1900.
Précieux pendant 8 jours
Pour qu’un étrog soit considéré comme « casher », il doit être conforme à des normes strictes. Il doit d’abord s’agir d’un fruit pur, non hybridé ou greffé avec une autre espèce. Deuxièmement, la partie noueuse située au sommet du fruit, appelée « pitam », doit être complète ou avoir disparu naturellement au cours du processus de croissance. Si le « pitam » entier est rompu de manière anormale, l’étrog n’est plus casher. Il va sans dire qu’il doit également être sans imperfection. Pas étonnant qu’ils soient conservés en sécurité dans des tissus soyeux. Le marché du étrog est très actif entre Kippour et Souccot. On peut observer les connaisseurs sortir leurs loupes pour vérifier le fruit avant de l’acheter et s’assurer qu’il n’a aucun défaut. La science a découvert un moyen de conserver les « pitamim » entiers. Une auxine, ou hormone végétale, développée par le professeur Eliezer E. Goldschmidt de l’Université hébraïque de Jérusalem empêche le pitam de tomber, évitant ainsi à des milliers de cédrat d’être jetés à la poubelle.
Et vous, avez -vous déjà vu un étrog ?
Les spectateurs du monde entier ont pu découvrir l’importance du étrog dans la culture juive, notamment dans un film israélien primé, appelé Ushpizin. Le film, sorti sur les écrans en 2004, raconte l’histoire d’un couple religieux, très démuni, à Jérusalem, qui reçoit miraculeusement une grosse somme d’argent pour célébrer correctement la fête de Souccot avec un magnifique étrog, mais de nombreuses épreuves les attendent durant les huit jours de célébration. Mettant en vedette le chanteur et acteur israélien Shuli Rand, qui a reçu le prix du meilleur acteur aux Ophir Awards pour son rôle, le film a été un succès en Israël et dans le monde, donnant au public un aperçu de la vie dans une communauté orthodoxe de Jérusalem.
— « Kountrass » de Jérusalem, n°116 du 15 juin 2013. Juifs et Corses, frères d’arme ?
– Ushpizin de Shuli Rand, 2004