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Kippour: le sublime pardon

Beaucoup connaissent la manière dont D... gère sa création par la justice : chacun reçoit, dans ce monde-ci ou dans l'autre, ce qu'il a mérité par ses actes. Mais il existe une gestion différente beaucoup plus profonde et puissante qui s'appelle : " La direction de l'unité ". D... gère son monde vers la réalisation inéluctable d'un projet suprême. Le pardon sublime du jour de Kippour prend sa source dans cette gestion mystérieuse...
kippour : le sublime pardon

Vase à la manière kintsugi, méthode japonaise de réparation des porcelaines ou céramiques brisées au moyen de laque saupoudrée de poudre d’or

Yom Kippour est un jour d’une puissance colossale. Pendant cette journée très spéciale, un peuple jeûne et prie pour se présenter devant D.ieu et demander le pardon pour ses fautes. La lumière de Kippour, combinée à la force de la téchouva — le retour —, transperce tous les écrans, les blocages, la médiocrité accumulés pendant l’année et permettent au pardon divin d’effacer toutes les fautes et les manquements.

Cet effet quasi magique du principe de la téchouva nous semble assez incompréhensible. Le passé et les erreurs ont existé, comment peut-on effacer cette réalité comme on efface un tableau noir ?

Le Midrach s’étonne avec nous[1] : « On a demandé à la Sagesse quelle était la solution proposée au fauteur. Elle répondit : « Les fauteurs seront poursuivis par le mal[2]. » À cette question, la prophétie répondit : « L’âme qui a fauté mourra[3]« . La Torah, elle, répondit : « Qu’il apporte un sacrifice comme réparation. » Puis on a posé la question à D.ieu lui-même, qui répondit : « Qu’il fasse téchouva et je l’accueillerai. » »

Nous voyons, à travers ce texte, que la notion de réparation par la téchouva est une innovation purement divine qui échappe à la Sagesse humaine.

Mais permettez-nous de rester surpris : comment les prophètes disent ignorer la téchouva ? Ils ont incité le peuple juif, pendant des siècles, à faire téchouva et à amender ses actions. C’est ce même prophète Ezéchiel qui proclame : « Voici la parole de D.ieu : « Je ne désire pas la mort du fauteur mais au contraire qu’il revienne vers moi et qu’il vive[4] !” »

Comment la Torah peut-elle ignorer la téchouva ? C’est elle-même qui nous y encourage et nous dit : « Car cette prescription [la téchouva] n’est ni trop ardue pour toi ni loin de toi. Elle est dans ta bouche et dans ton cœur[5]. »

Nous sommes donc obligés de conclure que même s’ils en parlent, aux yeux du Prophète et du Sage, la téchouva reste inacceptable.

Le Maharal de Prague, dans son Nétivot Olam[6], nous ouvre une porte vers la compréhension de ce concept grâce à une parabole dont chaque détail est soigneusement calibré. Il faut souligner que l’usage de paraboles est assez rare chez ce maître incontesté de la pensée.

Un puissant roi a confié à l’un de ses sujets un calice précieux à garder mais, malheureusement, celui-ci s’est brisé. Cet homme, atterré, consulte un Sage qui lui confirme que le roi n’utilisera jamais un objet dans cet état. Il se tourne alors vers un proche du roi qui lui suggère, vu que le roi ne pourra tolérer de tels dégâts, de détruire et faire disparaître l’objet. Pourtant, une lueur d’espoir brille encore : il se tourne vers l’orfèvre qui a forgé la coupe. Mais cet espoir est vite déçu : les coûteuses réparations ne pourront lui redonner son lustre d’antan car seuls quelques défauts sont réparables.

Désespéré, ce pauvre homme se présente devant le roi, prêt à accepter les conséquences de ses actes. Le roi lui donne alors une réponse mémorable : « J’utiliserai cet objet brisé avec tous ses défauts. Ceux qui t’ont conseillé craignaient pour mon honneur, mais c’est justement ma gloire de l’utiliser ainsi [car cela montre ma magnanimité et ma capacité à pardonner]. »

Analysons de près ce texte singulièrement puissant:

Hachem, le puissant Roi, nous a confié une âme d’origine divine particulièrement précieuse. L’homme, inconscient, lui a causé de terribles dommages.

Le premier conseiller, le Sage, est celui qui voit les conséquences des actes et perçoit la réalité spirituelle de la faute. Cette faute, tel un boulet que nous traînons, nous poursuivra et, à cause d’elle, D.ieu risque de rompre le lien avec nous.

Le second, le Prophète, est proche du Roi puisqu’il lui parle régulièrement et connaît sa magnificence. Il perçoit la violente dissonance entre la perfection divine et la faute et recommande donc la disparition du fauteur, car sa simple existence est un affront à l’honneur du Roi.

Le troisième est l’orfèvre, c’est la Torah, qui constitue le plan selon lequel le monde a été créé[7]. Elle contient forcément des solutions pour réparer les fautes, puisque le monde humain est par définition imparfait. En effet, la Torah propose la possibilité des sacrifices. Celui qui offre un sacrifice opère un processus mental de projection : il voit ce qui l’a poussé à fauter et veut le faire disparaître, le désagréger, comme cet animal sacrifié sur l’autel. Cette solution est certes possible, mais difficile, et ne peut réparer toutes les fautes, car les sacrifices ne portent principalement que sur les fautes non intentionnelles. La coupe restera avec de terribles cicatrices que même l’artiste ne peut effacer.

C’est alors qu’intervient le Tout Puissant en personne et accepte l’homme qui revient, avec toutes ses fautes, et lui pardonne. Le roi utilise la coupe, Hachem accueille cette âme telle quelle, malgré les erreurs et les trahisons, et ceci constitue Sa gloire.

Pour comprendre cela, nous devons développer une notion que bien peu connaissent. Rabbi Moché Haïm Luzzato (1707-1744), dans son Daat Tévounot[8], explique que D.ieu gère le monde selon deux modes très différents. Le premier, le plus connu, est appelé « Hanhagat Hamichpat » — la « Gestion de la justice » : chacun reçoit en fonction de ses actions. Le juste reçoit la bénédiction qui lui est due et le pervers la réprimande qu’il mérite.

Mais il existe un autre mode beaucoup plus profond et particulièrement puissant : la « Hanhagat Hayi’houd » — la « Gestion de l’unité » : D.ieu a un projet global pour le monde et ce projet s’accomplira quelles que soient les actions des acteurs qui s’agitent sur la scène. Notre libre arbitre, aussi absolu soit-il, n’a pas la capacité de modifier la marche inexorable de l’Histoire. Nos fautes, même les plus terribles, ne peuvent porter atteinte à cette gestion qui amène à la réalisation finale du projet divin : la révélation de la Grandeur du Créateur.

Par exemple, Pharaon s’entête à refuser de laisser partir les enfants d’Israël. Son combat contre D.ieu est justement la source de l’immense gloire divine révélée lors de la traversée de la mer Rouge. Vous retrouverez exactement le même schéma avec Haman dans le livre d’Esther.

En fait, notre seul choix possible est celui de décider si le projet divin s’accomplira grâce à nous ou malgré nous.

Et la réponse à nos questions peut enfin apparaître dans toute sa splendeur :

Pour la Hanhagat Hayi’houd — la Gestion de l’unité —, le monde doit avancer vers la révélation de la gloire divine. Or, il n’est de plus grande gloire pour Hachem que cette capacité à recevoir son fils rebelle qui rentre à la maison. Le roi utilise la coupe endommagée et tous s’émerveillent devant le fait qu’il ait pardonné. La faute porte atteinte à la gloire divine certes, mais le pardon divin crée une gloire divine encore plus puissante que la gloire antérieure. Ce pardon fait avancer le monde vers l’objectif final.

Mais il reste évident que le seul qui a le droit d’accorder ce pardon, c’est le roi lui-même. Pour ses conseillers, cette solution est impensable, et ce serait un crime de lèse-majesté que de dire au roi d’utiliser la coupe abîmée. Mais, lorsque le roi prend la décision, avec cette vision globale de pardonner — Hanhagat Hayi’houd —, alors l’homme est libéré. Seul D.ieu, qui a une vision de « gestion de l’unité », peut comprendre la possibilité et l’importance du pardon.

Nous découvrons ici une nouvelle facette d’un texte très connu : « Là où les repentis se tiennent, même les justes parfaits ne peuvent se tenir[9]. »

Le Juste, par ses actions admirables, dévoile la Gloire divine dans ce monde. Mais enfermé dans le carcan de sa condition humaine, il est, par définition, limité. Celui qui revient vers D.ieu délibérément révèle, grâce au pardon divin qui lui est accordé, l’immensité de la gloire divine. Même si ce n’est pas totalement de son fait, le résultat est là : il a été acteur d’une sanctification du nom divin d’une rare intensité.

Yom Kippour est l’occasion unique de renouer une relation harmonieuse avec notre Moi le plus profond et avec le Créateur qui est prêt à nous accueillir, avec le même amour, voire avec peut-être même un amour encore plus fort qu’auparavant. C’est vraiment le plus beau et paradoxalement, le plus joyeux jour de l’année!

[1] Yalkout Chimoni Téhilim 25 Paragraphe 702

[2] Proverbes 13, 21

[3] Ezéchiel 18, 4

[4] Ezéchiel 18, 11

[5] Dévarim 30, 11

[6] Nétivot Olam, Nétiv Hatéchouva 1

[7] Béréchit Rabba 1, 2

[8] Daat Tévounot Chap. 48

[9] Talmud de Babylone, Traité de Bra’hot 34b

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