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La Mimouna : Un Roch HaChana caché au cœur du printemps ?

La fin de la fête de Pessa’h, si riche en évènements et en rencontres, devrait nous laisser un léger vague à l’âme, mais c’est justement à cet instant qu’éclate le feu d’artifice de la Mimouna. Explosion de couleurs, de convivialité et de saveurs toujours plus douces, la Mimouna clôture en fanfare la fête de la libération d’Egypte. Autour d’une table spécialement décorée et débordante de pâtisseries et autres friandises, les invités se succèdent et se bénissent les uns les autres “Tirbe’hou Vetissa’adou”.
La Mimouna : Un Roch HaChana caché au cœur du printemps ?

Quel est le sens de cette fête et de son nom si musical, et que signifie cette formule exotique de bénédiction? C’est ce que nous vous proposons de redécouvrir aujourd’hui ensemble… 

Une table délicieuse ouverte à tous 

La Mimouna, coutume que l’on rencontre dans de nombreuses contrées d’Afrique du Nord et plus particulièrement au Maroc, est tout d’abord un grand moment de fraternité. L’usage est de laisser sa porte ouverte pour inviter toute personne qui voudrait se joindre à la fête, ce qui inclut la famille élargie, les amis, mais aussi les voisins, voire même des connaissances qui n’ont même pas besoin d’être invitées. Les familles se rendaient visite l’une après l’autre dans une espèce de grande tournée. En effet, durant la semaine de Pessa’h, du fait des différences de coutumes familiales, certains s’abstiennent de consommer des légumineuses, d’autres en mangent mais ne mangent pas de riz, tandis que d’autres encore bannissent les pois chiches (au nom malheureux de ‘Houmouss rappelant le ‘Hamets, personna non grata cette semaine de Pessa’h), ce qui rend les invitations complexes. La fête prenant fin, on se dépêche alors de se rendre visite les uns les autres, pour se rappeler que nous nous apprécions toujours mutuellement et que nous formons un seul peuple (le miel n’étant peut être pas étranger à la qualité de l’adhérence des poignées de mains…). 

Chacun est accueilli par le maître de maison, revêtu du caftan blanc traditionnel et souvent d’un chèche festif. L’hôte les bénit d’une chaleureuse bénédiction, selon la coutume. Chez les marocains, la bénédiction classique “Tirbe’hou Vetissa’adou” est accompagnée d’une datte parfois trempée dans le miel ( dans le doute, au cas où la datte ne serait pas assez sucrée !). Le sens simple de ces mots serait “Que vous soyez riches et heureux”, si l’on relie le Sa’adou au Sa’ïd, le bonheur ou bien Messa’oud, le bienheureux. Mais certains poussent l’idée bien plus loin, en reliant Sa’adou au mot Sa’ad qui signifie l’aide à autrui. La bénédiction serait encore plus belle et signifierait : “Que vous soyez riches pour pouvoir aider autrui ! ”. Tout un programme ! 

La coutume tunisienne est de se bénir avec des feuilles de laitue, que certains trempent dans du lait, avec les mots de “Santakh Hatsera”, “ que l’année te soit verte (florissante)”. Le mot ‘Hassa, rappelant la racine “La’houss”, avoir pitié, en inspirant ici la miséricorde divine, n’est peut être pas étrangère à cet usage. Une coutume syrienne, turque, égyptienne voire même des anciens séfaradim d’Israël, est assez semblable, mais la bénédiction d’une année verte et fraîche est cette fois réalisée

avec des épis d’orge verts. Ces épis entourent d’ailleurs les veilleuses à huile dans lesquelles on a déposé des pièces d’or. 

On m’a rapporté que, dans certaines familles d’Algérie, la coutume était de bénir avec une rose, version florale et délicate du même concept. 

Les tables splendidement décorées disparaissent sous les plateaux d’innombrables sortes de pâtisseries, dont le Jeban, sorte de nougat blanc cuit dans du sirop de sucre et couronné d’amandes et de noix, le Sfinge et les Chabkia, sortes de beignets au miel. On y fait parfois de surprenantes rencontres comme les confitures de petites aubergines ou d’oranges avec des carottes ( pour les connaisseurs, le meilleur, c’est la carotte), voire de tomates vertes. A la place d’honneur, trônent royalement les Moufletoth ( si vous ne voulez pas causer un incident diplomatique, ne dites pas que cela ressemble à des crêpes. À part l’aspect, l’odeur et le goût, cela n’a absolument aucun rapport), qui sont généreusement arrosées de miel. Enfin, pour combler les petits creux gastriques qui pourraient subsister, vous disposez du couscous au beurre, délicatement parfumé au miel et agrémenté de raisins et d’amandes. On précisera que le couscous comme les Moufletoth ne sont achetés et préparés qu’après la fin de la fête, puisqu’ il est strictement interdit de posséder et de consommer du ‘Hamets pendant Pessa’h. 

La Mimouna, et son aspect de célébration people 

Avec de tels délices sur les tables et dans les cœurs, il n’est pas surprenant que cette coutume soit très répandue chez tous les juifs orientaux. Mais dans les années 60, elle va s’étendre et toucher les différentes couches de la société israélienne. En 1965, Chaoul Ben Sim’hon, d’origine marocaine et membre de la Histadrouth, en collaboration avec les anciens de la ville marocaine de Fès, lance la première célébration publique de la Mimouna dans la forêt Herzl, non loin de Lod, à laquelle s’associeront 300 personnes. 

Le phénomène est lancé : l’année suivante, ils seront des milliers à se rassembler à Jérusalem, au Gan Sanhedrin. 

En 1967, le maire de Jérusalem Teddy Kollek et le ministre du tourisme Moché Kol s’y associeront eux aussi. 

En 1971, la fête est déplacée au Gan Saker et ce seront alors 30.000 personnes, dont le président Zalman Chazar et la baronne Alix de Rotschild, femme de Guy de Rotschild, venue de France spécialement pour l’occasion, qui viendront déguster les Moufletoth traditionnelles. 

Nous nous associons ici aux amers regrets du premier ministre d’alors, Golda Meir qui, bloquée par les bouchons, se verra privée de moufleta… David Ben Gourion fera le choix plus judicieux de se rendre à la Mimouna de Yérou’ham, non loin de son kibbouts de Sdé Boker… 

En 1972, cette occasion manquée sera réparée, puisque ce seront le président, le premier ministre Golda Meir, le chef d’état-major, ainsi que 80.000 personnes qui fêteront la Mimouna au Gan Saker.

A cette époque où les tensions entre les Juifs séfarades et l’establishment quasi intégralement achkénaze étaient particulièrement vives, la Mimouna offrait certainement une excellente opportunité pour recréer une proximité entre les différentes communautés ! Un rapprochement auquel la dynamique politique n’était il est vrai pas totalement étrangère … 

Cette tradition est désormais fermement enracinée et de très nombreuses personnes, des plus simples aux plus célèbres, se rendent aux festivités de la Mimouna, souvent chez les grands Rabbanim, pour recevoir la bénédiction particulière de ce jour. 

Mimouna, un nom énigmatique 

Au-delà de l’épopée gastronomique et historique de la Mimouna, il est passionnant de se plonger dans les racines de cette coutume et de son nom énigmatique. Certains, comme le Rav Ya’akov Moché Tolédano dans son Zakhor Le-Avraham, ou le Pr Ra’hel Char’abi, sociologue, y voient une référence à Rabbi Maïmon , juge rabbinique de Cordoue et père de l’illustre Maïmonide, qui serait décédé ce jour-là. De ses propres paroles, nous ne disposons pas de preuves historiques à cette théorie. 

Certains expliquent cette cérémonie comme une protection face à des forces négatives portant le nom de Mimouna, et connue chez les Berbères. D’autres, comme Rabbi David Assebag, dans son commentaire sur la Haggada intitulé Chéar Yérakoth, voient dans le mot Mimouna un écho du mot “Emouna”, la foi. En effet, Pessa’h est la fête de la délivrance, et la Tradition explique que, nos ancêtres ayant été délivrés au mois de Nissan, ce mois est propice à notre délivrance. Même si la fête est derrière nous, nous ne désespérons pas et continuons à prier et à espérer la délivrance prochaine. 

Mais la théorie qui me parle le plus se fonde, comme vous allez le voir, sur un faisceau de preuves assez convaincantes.1 

Vous remarquerez que, lors de la Mimouna, on goûte des dattes que l’on trempe dans le miel, ainsi que des fèves ou d’autres fruits et légumes, ce qui rappelle fortement le Séder de Roch Ha-Chana. 

Ensuite, beaucoup avaient la coutume de se rendre le lendemain à un point d’eau : à Bagdad, au bord de l’Euphrate, à Marrakech auprès des sources environnantes. Ceci nous rappelle beaucoup la coutume du Tachlikh, où la communauté se rassemble aux bord d’une source d’eau le jour de Roch Ha-Chana. 

Si l’on remarque enfin l’assiette de farine blanche et les épis d’orge verts qui ornent la table, nous pensons naturellement à la mitsva que nous venons de réaliser: l’offrande du ‘Omer. Le second jour de Pessa’h, le peuple d’Israël, en une joyeuse procession, allait moissonner les premiers épis de la récolte d’orge, pour offrir au Temple une assiette de cette première farine.

Or, Rabbi Akiva nous enseigne ( Roch Ha-Chana 16a): “L’offrande du ‘Omer est apportée à Pessa’h pour que la moisson des champs soit bénie.” En effet, le Talmud nous rappelle que le monde est jugé à quatre occasions dans l’année : à Roch Ha-Chana bien sûr, mais aussi à Pessa’h, plus particulièrement au sujet des récoltes. 

Notre ancêtre Ya’akov a reçu la bénédiction lui promettant “la rosée du ciel et les richesses de la terre” des mains de son père Yits’hak, justement pendant la fête de Pessa’h (Pirkei de-Rabbi Elièzer). 

Le couscous au beurre et au miel rappelle justement la manne faite de grains blancs au goût de patisserie au miel, abondance descendant directement du Ciel. Si l’on rassemble tous ces éléments, la réponse semble claire : le mois de Nissan, et plus particulièrement la fête de Pessa’h, constituent une sorte de nouveau Roch Ha-Chana, de Nouvel An, focalisé sur les nouvelles récoltes et leur abondance espérée. C’est le moment le plus adapté pour prier et se bénir les uns les autres, pour une nouvelle année toujours plus fraîche et prospère. 

Que D’… vous bénisse tous pour une belle et bonne année ! 

1 Théorie soutenue par le Rav Eliahou Guedj dans son “Zé Ha-Choul’han” ou le Rav Chlomo Zourapa dans son Cha’arei Chlomo, ou encore Rav Eliahou Marciano dans son ‘Hag Ha-Mimouna.

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