Logée dans un lieu qui lui est totalement étranger — le corps —, l’âme y est maintenue par le génie du Tout Puissant pour une durée déterminée. La loi juive[1]Choulhan Aroukh, lois usuelles, chapitre 6 institua une bénédiction spéciale à dire régulièrement pour rendre hommage à ce miracle. Chaque matin, nous faisons la mention de ce prodige par le Modé ani — louange à l’Éternel de nous avoir rendu notre âme revivifiée : « Modé Ani Léfané’ha Méle’h Haï Vékayam Chéé’hézarta Bi Nichmati Bé’hèmla Raba Emounaté’ha. »
Toutefois, après sa séparation du corps, l’âme se dirige vers une nouvelle destination. Où va-t-elle ? Quel chemin emprunte-t-elle ? Son passage sur terre est-il définitivement révolu ?
La littérature juive explique en détail le parcours de l’âme une fois hors de son écrin.
Sur les sentiers de la vie d’après
La première étape de la mort s’effectue dans ce monde-ci et concerne le corps. La loi juive stipule de l’envelopper dans un linceul blanc et de le placer à même le sol, dans la terre. Allusion faite au verset de la Genèse dans lequel D.ieu dit au premier homme : « Jusqu’à ce que tu retournes à la terre d’où tu as été tiré, car poussière tu fus et poussière tu redeviendras![2]Genèse 3 :19»
Une fois le corps dans son nouvel environnement, l’âme s’en va vers une nouvelle contrée. Elle chemine vers un au-delà dans lequel elle aspire à une place de choix. Mais avant d’intégrer ces lieux que l’on nomme le Gan Éden — le Paradis — ou le Géhinome — l’Enfer —, l’âme plane entre les deux mondes pendant une période de douze mois[3]Traité Chabbat, p. 152. Les textes expliquent que le passage d’un monde à l’autre serait trop brutal si l’âme quittait son univers subitement. Certains ajoutent que c’est la raison pour laquelle, durant l’année du décès, les proches du défunt s’efforcent de générer des mérites qu’ils dédient à leurs proches dans le but de les élever[4]Tana Débé Eliayhou, chapitre 12.
Le dernier jugement
Après cette période d’adaptation, l’âme rejoint un monde qui lui sera ouvert en fonction de ses mérites ici-bas. Son intégration dépendra d’un jugement céleste qui revisite le moindre de ses faits et gestes. Si l’âme se trouve être totalement pure, elle intégrera immédiatement l’Éden ; dans le cas contraire, elle purgera une peine jusqu’à l’absolution de ses fautes au Géhenne[5]Tossefot traité Chabbat, Ibid., Rav Péalim, Yoré Déa, alinéa 51. L’âme réside ensuite dans l’un ces mondes spirituels en attendant ce que l’on appelle dans la tradition juive « le monde à venir[6]Maïmonide commentaire sur la Michna, Sanhédrin, chapitre Helek».
D’après les textes, le monde à venir est un monde nouveau qui sera créé après celui-ci et dont les seuls résidents seront les âmes des Justes. Son avènement suivra de peu la venue du Messie et la résurrection des morts.
Cependant, le cheminement de l’âme ne s’arrête pas totalement à cela.
Le retour ou la réincarnation
Dans sa grande bonté, D.ieu permet à certaines parties non achevées de l’âme de réintégrer à nouveaux un corps, homme ou femme, afin de se parfaire. En effet, son but ici-bas étant de raffiner son être intérieur au travers des lois de la Torah. Toutefois, l’homme n’y parvient pas systématiquement. Par miséricorde, une seconde, voire une énième chance lui est accordée. Une partie inachevée de son âme intègre alors un nouveau transporteur et l’aventure peut ainsi continuer.
Nous trouvons au cœur même du texte biblique la notion de réincarnation.
Après qu’Abel fut assassiné par son frère Caïn, Seth naquit. Le verset déclara alors : « Parce que D.ieu m’a accordé — en hébreu : « Chate Li » — une nouvelle postérité au lieu d’Abel, Caïn l’ayant tué. » Nos Sages[7]Ramban, commentaire sur la Genèse nous enseignent que Seth était la réincarnation d’Abel, comme en témoigne l’anagramme du verset.
On retrouve la même idée dans le Lévirat — le Yiboum —, ce commandement qui consiste pour un homme à s’unir à la veuve de son défunt frère si celui-ci n’a pas eu de descendance afin de perpétuer son nom. Nos Sages nous révèlent qu’il s’agit en fait de donner la possibilité à l’âme du défunt de revenir se réincarner grâce à cette union. Cette loi n’est plus en vigueur de nos jours[8]Traité Yévamot.
Le Ari zal (1534-1572), le plus éminent kabbaliste des dernières générations, déclare que ce processus est valable pour tous êtres humains, y compris pour les non-juifs. Il affirme qu’étant donné qu’ils sont assignés aux sept lois Noahides, la réparation pour eux est tout aussi inéluctable que pour nous.
Ainsi, l’âme intègre le corps avec, au départ, une sensibilité particulière et des inclinaisons à certains traits de caractères plus qu’à d’autres. Certains maîtres nous expliquent cela par l’impact des vies antérieures[9]Gaon de Vilna, Even Chéléma.
Ainsi, grâce à son eschatologie, le judaïsme nous fait réaliser que la vie en nous est éternelle, mais aussi précieuse.
Références
↑1 | Choulhan Aroukh, lois usuelles, chapitre 6 |
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↑2 | Genèse 3 :19 |
↑3 | Traité Chabbat, p. 152 |
↑4 | Tana Débé Eliayhou, chapitre 12 |
↑5 | Tossefot traité Chabbat, Ibid., Rav Péalim, Yoré Déa, alinéa 51 |
↑6 | Maïmonide commentaire sur la Michna, Sanhédrin, chapitre Helek |
↑7 | Ramban, commentaire sur la Genèse |
↑8 | Traité Yévamot |
↑9 | Gaon de Vilna, Even Chéléma |