L’homme a-t-il le droit de modifier le visage de l’humanité ?
Des sujets tels que l’identité sexuelle, l’euthanasie ou le recours à la gestation pour autrui sont, ou ont été, les grands sujets de débats de nos sociétés modernes. Ces questions posées au judaïsme redoublent d’importance, car elles entrent parfois en conflit avec la loi juive, pouvant aller jusqu’à modifier le statut d’un Juif.
Une opération de changement d’identité sexuelle modifie-t-elle le statut d’une personne au regard de la Halakha (loi juive). Le sexe d’une personne est-il inaltérable ou peut-il être modifié ?
Le recours aux mères porteuses confère-t-il le statut juif à un enfant dont la gestation eut lieu dans le ventre d’une femme non-juive ?
Est-il permis d’interrompre la vie d’un malade incurable?
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Face à toutes ces questions existentielles, les décisionnaires doivent définir les limites du permis dans l’océan infini des possibles. Car il n’est pas question de récuser l’avancée technologique, les Sages ont toujours plébiscité les sciences.[1]Voir par exemple traité Pessahim, p. 94
Quels sont les instruments dont disposent nos maîtres pour trancher la loi dans ce genre de cas ? Le Talmud est la source d’où émerge la Halakha, la loi juive . Cet ouvrage central constitue l’un des principaux outils dont nos maîtres disposent pour trancher les lois dans les situations complexes. Il offre un vaste ensemble de textes juridiques et de discussions, mettant en lumière des principes éthiques et des enseignements qui guident la réflexion et la prise de décision. Les Sages du Talmud ont élaboré des méthodes d’interprétation rigoureuses[2]Exemple les 33 principes exégétique de Rabbi Hiya, les 13 de Rabbi Ismaël etc. permettant d’ appliquer les principes de la Torah aux situations contemporaines.
Le changement de sexe
Les décisionnaires ont déduit que le changement de sexe est interdit par la Torah du fait que ce changement entraîne la castration de la personne. Le Talmud[3]Traité Chabbat, p. 110 traite du cas d’une personne qui ingurgite un breuvage dont les propriétés sont castratrices et condamne l’acte s’appuyant sur un verset biblique. Le Choulkhan Aroukh[4]Choulkan Aroukh, Even Aezer, chap. 5, alinéa 11va étendre cette législation à des cas d’ablations de membres génitaux. D’autres paramètres visent à interdire ces opérations au regard de la Torah.
L’euthanasie
L’euthanasie apparait dans le Talmud[5]Traité Nédarim, p. 22, voir Ran sur place.lorsque Oula, le maître de Babel, ordonna de mettre fin aux jours de quelqu’un qui agonisait. Les décisionnaires font une différence nette entre l’euthanasie active et passive et uniquement — lorsque la maladie est incurable et en proie à de terribles souffrances. En effet, certains décisionnaires autorisent le corps médical à ne pas avoir recours à des soins extraordinaires. Les soins dits ordinaires, comme la boisson, la nourriture et les antibiotiques, ne devront sous aucun cas être suspendus, sans quoi cela reviendrait à de l’euthanasie active. L’euthanasie passive s’apparente au fait de ne pas recourir à un soin extraordinaire comme la réanimation par exemple, l’électrochoc ou l’intervention chirurgicale. Cette décision se fonde sur l’avis du Rama[6]Yoré Déa, chap. 339, alinéa 1. Voie aussi https://halachayomit.co.il/he/default.aspx?HalachaID=3849, Hazon Ovadia, loi du deuil, p. 81, de Rav Moché Feinstein[7]Rav Moché Feinstein, Yoré Déa, part. 2, alinéa 174. Seule une autorité rabbinique compétente est à même de trancher la loi dans ce genre de cas.
Porter l’enfant d’une autre
Porter un enfant pour autrui est autorisé par la Halakha dans certaines conditions.[8]https://www.daat.ac.il/he-il/mishpacha/holadat/pundekaut/pundekaut.htm Rav Nehémia Goldberg, Assia, partie 13, p. 110 … Continue readingD’après le Midrach, ce procédé a été opéré pour la première fois par le Saint béni-soit-Il. Après son 7ᵉ enfant, la matriarche Léa fut peinée que sa sœur cadette enfante moins de garçons que les servantes de son mari Jacob et pria l’Éternel de changer son fœtus en fille. Rabbi Yonathan Ben Ouziel[9]Genèse 30 :21 explique que les fœtus ont été interchangés de façon miraculeuse – Joseph dans la matrice de Rachel et Dina chez Léa. Bien que le texte puisse avoir un caractère mystique, il est possible d’en déduire que cela n’est pas contraire à l’esprit de la Torah. Le Rav Moché Feinstein[10]Iguéret Moché, Even Haèzèr, alinéa 10 déduira cette permission de sources talmudiques.
Dans ces cas, la question est de définir l’identité religieuse de l’enfant. Est-ce la gestation dans le ventre de la mère porteuse ou bien l’ovule et la semence des parents qui définissent la judéité d’un enfant ? Le débat a fait couler beaucoup d’encres chez les décisionnaires contemporains.[11]Voir Choulhan Yossef, p. 218,Nichmat Avraham, Even Haézer, page 184 au nom de Rav Eliyachiv et page 186 au nom de Rav Chlomo Zalman Auyerbakh, Ma’yan Omer, volume 7 [édition 5776], page 396, … Continue reading La position Halakhique dominante est que la femme qui porte l’enfant définira sa judéité.[12]https://puah.org.il/halachic/%D7%A4%D7%95%D7%A0%D7%93%D7%A7%D7%90%D7%95%D7%AA/#_ftn6 C’est pourquoi en Israël, la GPA, la gestation pour autrui est permise, considérée comme un acte d’altruisme, mais la mère porteuse doit être de la même religion que les futurs parents.
En conclusion, la Halakha nous incite à réfléchir sur la manière dont nous devons harmoniser les avancées technologiques avec nos valeurs les plus profondes. Cette réflexion continue est essentielle pour préserver notre judaïsme face aux défis d’un monde en constante évolution.
Références
↑1 | Voir par exemple traité Pessahim, p. 94 |
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↑2 | Exemple les 33 principes exégétique de Rabbi Hiya, les 13 de Rabbi Ismaël etc. |
↑3 | Traité Chabbat, p. 110 |
↑4 | Choulkan Aroukh, Even Aezer, chap. 5, alinéa 11 |
↑5 | Traité Nédarim, p. 22, voir Ran sur place. |
↑6 | Yoré Déa, chap. 339, alinéa 1. Voie aussi https://halachayomit.co.il/he/default.aspx?HalachaID=3849, Hazon Ovadia, loi du deuil, p. 81 |
↑7 | Rav Moché Feinstein, Yoré Déa, part. 2, alinéa 174 |
↑8 | https://www.daat.ac.il/he-il/mishpacha/holadat/pundekaut/pundekaut.htm Rav Nehémia Goldberg, Assia, partie 13, p. 110 https://puah.org.il/halachic/%D7%A4%D7%95%D7%A0%D7%93%D7%A7%D7%90%D7%95%D7%AA/#_ftn6 |
↑9 | Genèse 30 :21 |
↑10 | Iguéret Moché, Even Haèzèr, alinéa 10 |
↑11 | Voir Choulhan Yossef, p. 218,Nichmat Avraham, Even Haézer, page 184 au nom de Rav Eliyachiv et page 186 au nom de Rav Chlomo Zalman Auyerbakh, Ma’yan Omer, volume 7 [édition 5776], page 396, réponse 30, Tsits Eliezer, volume 19, réponse 40 et volume 20, réponse 49, Todi’éni Ora’h ‘Haïm [Rav ‘Haïm Yossef Mamou], volume 1, partie Even Haézer, réponse 3, page 323. |
↑12 | https://puah.org.il/halachic/%D7%A4%D7%95%D7%A0%D7%93%D7%A7%D7%90%D7%95%D7%AA/#_ftn6 |