Lisons le texte
« D.ieu parla à Moïse en disant : cependant, le dixième jour de ce septième mois, c’est le jour du Pardon ; ce sera une convocation sainte pour vous et vous mortifierez vos personnes[1]Lévitique 23 :27 » puis quelques versets plus loin dans le même chapitre : « Ce jour est pour vous un chômage absolu, où vous mortifierez vos personnes ; dès le neuf du mois au soir, depuis un soir jusqu’à l’autre, vous observerez votre chômage[2]Ibid. 32.»
Les Sages du Talmud[3]Traité Yoma, p. 81 soulèvent l’apparente contradiction et s’interrogent : « Mais jeûne-t-on vraiment le neuf du mois ? C’est le dix que l’on jeûne ! » conformément au verset initial.
Bien que dans son sens immédiat, le verset devait nous apprendre que le jeûne débute à la fin du neuvième jour, les Sages voient dans cet enchevêtrement, une allusion manifeste. Ils dévoilent : « La Torah nous enseigne ici que lorsque l’on mange et que l’on boit le neuf, c’est comme si on jeûnait à la fois le neuf et le dix ».
Il existe en effet une mitsva particulière de manger et de boire avant le jeûne de Kippour, un repas à caractère spirituel à consommer la veille du grand jeûne.
Comment comprendre cette directive ?
Mange et sois béni
Pour Rachi[4]Ibid. et Rabbénou Yona[5]Charei Téchouva 4 :10, la raison est très pragmatique. Le but est que nous ayons suffisamment de ressources physiques le lendemain pour assurer les longs offices en abstinence.
Le Rabbénou Acher et son fils, le Tour[6]Chapitre 604, traduisent cela par de la bienveillance divine, qui dans un souci de ne pas en imposer trop, incite au festin la veille afin de renforcer l’organisme de ceux qui jeûnent le lendemain.
Certains comprennent qu’il y a un rapport direct avec l’idée du jour. Le Chibolei Haléket[7]Ibid. alinéa 4 explique que le festin la veille du jeûne amplifie le sentiment de privation du lendemain par ce passage contrasté du faste à l’austère.
Les Sages de la Kabbale y dévoilent un sens plus profond. Le Chlâa Hakadoch[8]Torah Or, chapitre 136 explique qu’un homme pourrait se méprendre en pensant que le pardon de D.ieu ne s’acquiert uniquement par l’avilissement du corps à Yom Kippour et que seul l’esprit est capable d’amener à ce salut. C’est pourquoi D.ieu ordonna, la veille du grand jeûne, que le corps contribue et s’unisse à l’esprit. Il explique que c’est précisément par le sentiment d’exaltation du corps la veille, combinée à l’élévation de l’esprit sans entrave le lendemain, que l’homme atteint la plénitude et aboutit à la proximité divine.
Ainsi, la Halakha[9]Michna Béroura, chap. 608, alinéa 18 (loi juive) stipule de consommer ce jour-là plus qu’à son habitude. Le Ari za’l alla même jusqu’à dire que la consommation de ce repas, faite dans un but pieux, a le pouvoir de réparer tous les repas de l’année.