L’histoire que je voudrais partager avec vous, en l’honneur de Tou BiChevat, est une bouleversante histoire d’amour. Jusque-là, rien que de très classique. Mais un couple enfin réuni après plus de 20 siècles d’attente, cela devient pourtant sacrément romantique… Mais si je vous dis que les jeunes mariés s’appellent Mathusalem et Hanna et qu’ils viennent de donner naissance à 111 descendants, là c’est du jamais vu !
Vous comprendrez peut-être mieux mon émotion si je vous explique que Mathusalem et Hanna sont les deux premiers palmiers dattiers d’une espèce biblique, éteinte depuis des millénaires, plus précisément depuis la destruction du Second Temple ; et qu’après des dizaines d’années de travail, des agronomes ont réussi à faire germer d’antiques noyaux et à obtenir 111 premières dattes aux couleurs de miel…
La résurrection des fruits du palmier
Tout commence dans les années 60, lors des fouilles archéologiques menées par le professeur Yigael Yadin sur le site de Massada, haut-lieu de la résistance juive dans le désert de Judée. Sur cette montagne désolée, la forteresse imprenable est finalement tombée entre les mains des Romains et les survivants préfèrent se suicider plutôt que de capituler. A l’entrée du palais nord et non loin des entrepôts de nourriture, sont découverts des noyaux de dattes, qui seront soigneusement conservés.
Pendant 40 ans, ces noyaux dorment paisiblement dans les réserves de l’université Bar-Ilan. Mais, en 2005, le Dr Sarah Sallon, gastroentérologue pédiatrique de formation, s’intéresse à ces noyaux oubliés. Elle dirige le Centre de Recherche en Médecine Naturelle et se passionne pour la phytothérapie, ou l’utilisation des plantes en médecine. L’évolution des anciennes plantes au cours des siècles est un de ses sujets d’étude et lorsqu’on lui propose de faire germer ces antiques noyaux, elle saisit l’occasion avec enthousiasme. En collaboration avec le Dr Ellaine Solowey, du Centre pour l’agriculture durable de la Arava, un noyau va être réchauffé, lentement réhydraté puis, nourri avec une hormone végétale de croissance et un engrais enzymatique à base d’algues. Entouré de mille soins, il est planté et, à la surprise générale, un palmier commence à pousser en 2005 ! Le miraculé, issu d’une graine datée au carbone 14 du premier siècle de notre ère, était la plus ancienne graine jamais cultivée en une plante vivante et fait l’objet d’articles publiés dans la revue Science en 2008 et 2009. Il sera logiquement nommé Métouchéla’h, ou Mathusalem, du nom de l’homme biblique ayant vécu 969 années, soit la vie la plus longue relatée par la Bible.
Mais la victoire garde un goût d’inachevé car Mathusalem, désormais planté au Kibbouts Kétoura, est un palmier dattier mâle, qui ne peut donc produire de fruits. Heureusement, l’aventure ne s’arrête pas là, car les Dr Sallon et Solowey disposent aussi de 32 autres noyaux découverts dans les fouilles de Qumran, non loin du site de découverte des célèbres manuscrits. Ces noyaux, datant de -150 à 70 et découverts près du pressoir de la ville antique qui produisait du vin et du miel de datte, leur sont confiés par le Pr. Joseph Patrick de l’Université Hébraïque de Jérusalem.
La merveille se reproduit, car, sous les soins attentionnés du Dr Solowey, six nouveaux palmiers vont renaître et porteront fièrement le nom de Adam, Hannah, Judith, Jonah, Boaz et Ouriel.
Replantés en 2019, ces arbres grandissent paisiblement dans le jardin de l’Institut de la Arava et font désormais plusieurs mètres de haut.
Heureuse rencontre
La rencontre prédestinée que tout le monde attendait a enfin lieu, semble-t-il grâce à un ‘’speed-datting’’… Même si Hanna est en fait plus âgée de 175 ans que Mathusalem, la différence d’âge n’a pas été un obstacle à leur idylle. Quand on aime, on ne compte pas g! Hanna va donc être pollinisée par Mathusalem et les premières dattes, 111 au total, apparaissent en 2020. Il s’agit des premières dattes de l’espèce du dattier de Judée depuis 2000 ans!
Les surprises ne s’arrêtent pas là, car les dattes en question sont encore plus grosses que les imposantes dattes medjoul de la vallée du Jourdain, qui font la réputation d’Israël dans le monde entier ! De couleur miel, elles sont plus sèches que les medjoul mais surtout, au-delà de l’énivrant goût d’histoire, elles laissent en bouche un arrière gout de miel caractéristique. On ne peut s’empêcher de penser au verset de Devarim/Deutéronome (8,8), décrivant les sept espèces des fruits d’Israël et désignant les dattes par le substantif “devach”, le miel. En effet, les dattes de Judée ont bien le goût du miel…
Dr Sallon espère découvrir dans ces nouvelles dattes des qualités médicinales ou nutritionnelles nouvelles, et a même écrit un conte pour les enfants à ce sujet : “L’histoire d’un dattier” raconte l’histoire, du point de vue du dattier Mathusalem, qui s’est endormi à Massada et se réveille 2000 ans plus tard dans un laboratoire israélien moderne.
Le chant du dattier selon le Perek Chira qui détaille les chants de toute la Création Quelles sont les caractéristiques spécifiques du dattier ?
Le dattier est plus haut que les autres arbres.
Il est d’une droiture remarquable.
Ses racines, profondément ancrées au sol, lui assurent une grande stabilité . Il pousse lentement mais sûrement.
Ses fruits sont d’une rare douceur.
Son tronc s’appelle:le « Cœur » de palmier.
Les branches partent directement du tronc,
Ce qui n’est pas le cas des autres arbres portant de nombreuses ramifications. Même ses branches sont droites et pointues élancées vers le ciel.
Le dattier proclame: “ Le juste fleurit comme le palmier, il s’élève comme le cèdre du Liban” ( Psaumes 92,13)
Quelle est la parabole, la symbolique du dattier?
Le dattier symbolise : le Juste, le צדיק
Il symbolise la grandeur du Juste et de ses connaissances en Torah. Il symbolise la droiture et l’honnêteté du Juste, dans ses attitudes. Les fruits de son labeur profitent à son entourage à travers ses enseignements, ses conseils, sa protection.
Le Juste ne naît pas du jour au lendemain, il faut des années de croissance, avant de donner des fruits.
Parfois, la croissance n’est pas visible, il construit ses racines qui lui permettront de s’élever encore plus haut.
Le dattier ressemble à un juste, qui tend son cœur et ses mains vers le Ciel. Le dattier symbolise également le lien entre le sage et ses élèves. De même que toutes les branches du palmier prennent source au cœur de l’arbre, ainsi les élèves doivent être en contact direct avec leur maître pour progresser.
Le chemin du Juste est droit.
Contrairement à celui du Méchant qui est tortueux.
Qu’est ce que le dattier nous apprend sur la gestion divine du monde?
Le dattier nous enseigne que D… apprécie la droiture dans nos actions. Il nous enseigne que nous devons être simples et honnêtes dans notre rapport à D… Comme il est écrit : Tu seras entier avec l’Eternel ton D’…(Devarim 18,13)
Symbolisme et élévation spirituelle
L’histoire de Mathusalem et Hanna racontée dans la publication précédente… nous montre bien sûr l’impressionnante capacité de survie des plantes, et ouvre une fenêtre d’espoir vers la redécouverte d’anciennes plantes disparues.
Mais, pour le peuple juif, il y a dans ce prodige agronomique un symbole particulièrement fort. Dans le Talmud de Babylone (Sanhédrin 98a), Rabbi Abba nous enseigne en effet : “ Il n’y a pas de signe annonçant la délivrance plus explicite que l’instant où la Terre d’Israël redonne ses fruits à ses enfants juifs.” Et le prophète Ye’hezkelÉzéchiel nous prédit il y a 26 siècles: « Et vous, montagnes d’Israël, vous donnerez vos branches et vous porterez vos fruits pour mon peuple d’Israël, car ils sont près de venir » (Ézéchiel, 36-8). Lorsque le peuple d’Israël commencera à revenir sur sa terre, celle-ci, jusqu’alors désertique et ingrate pour tous ses occupants, s’éveillera à la vie et commencera à donner ses fruits en abondance. C’est la raison pour laquelle, dans la prière journalière, la bénédiction sur les produits des champs est située juste avant celle du retour des exilés.
Tou Bichvat est donc un jour plein d’espoir, alors que les arbres sont encore dénudés, mais où, dans une perception très subtile, nous sentons que la sève remonte dans les branches et annonce le futur printemps.
Lors du traditionnel repas de Tou Bichvat, on consomme de nombreux fruits, principalement des fruits d’Israël. Dans la bénédiction Mé’ein Chaloch que nous récitons après avoir consommé des gâteaux ou des fruits par lesquels la terre d’Israël a été louée, se trouve une locution très spéciale : nous remercions Hachem pour la Terre qu’Il a choisie de donner à nos ancêtres, pour en manger les fruits et nous rassasier de ses bienfaits. Rabbi Yoel Sirkiss, dans son commentaire le Baïth ‘Hadach, explique qu’il se trouve un trésor de sainteté dans le Ciel qui se déverse sur la Terre d’Israël et se révèle spécialement dans ses fruits. Lorsque nous mangeons des fruits de la Terre d’Israël, nous nous nourrissons ainsi de la sainteté de la Présence Divine. La consommation de ces fruits peut même nous aider à nous attacher au divin !