Depuis le XIXe siècle, la France a acquis des terrains à Jérusalem, certains étant jusqu’à nos jours la propriété de la République française.
Oublié depuis longtemps, le comte de Piellat, un mécène catholique français de la seconde moitié du XIXe siècle, a acquis des terrains à Jérusalem lors de ses nombreux voyages en Terre sainte, offrant à la France une place privilégiée dans la ville sainte.
Paul Amédée de Piellat effectue son premier pèlerinage en 1874, comme d’autres catholiques venus sur les traces de Jésus en Galilée et à Jérusalem. Deux ans plus tard, il achète avec sa mère un terrain en dehors de la vieille ville et y réinstalle l’hôpital Saint-Louis, une institution du Patriarcat latin. Du toit de l’hôpital, qui prendra plus tard le nom d’hôpital français, on peut voir l’intérieur de la vieille ville. Selon la tradition, le prince Tancrède de Hauteville avait installé sur ce terrain son camp avant d’attaquer la ville lors de la première Croisade au XIe siècle. Inquiet par la présence russe grandissante dans la ville et notamment de la construction d’églises orthodoxes, le comte Piellat va investir dans l’achat d’autres terrains et la construction d’une auberge pour les pèlerins catholiques. Notre-Dame de France voit le jour en 1890 avec 150 chambres pouvant accueillir 600 pèlerins à la fois. Installé définitivement à Jérusalem, le comte de Piellat achète encore une parcelle de terrain près de la porte de Damas, où il installe un couvent et l’école biblique des Dominicains. Le philanthrope va aussi construire un monastère sur le mont des Oliviers, appelé de nos jours « La Maison d’Abraham ». Il meurt en 1925 dans son appartement de l’hôpital Saint-Louis et sera enterré sur le Mont Sion, sur un terrain qu’il avait également acquis.
Même si ces terrains n’appartiennent pas à la France et sont restés propriété de l’Église et des héritiers du comte de Piellat, il existe à Jérusalem un véritable patrimoine domanial français.
Le site le plus important est l’Éléona, qui comprend l’Église du Pater Noster, construite au IVe siècle, sur le lieu où, selon la tradition chrétienne, Jésus a enseigné le Notre Père — Pater Noster — et qui a été offerte à la France en 1868 par la princesse Héloïse de la Tour d’Auvergne, qui avait acheté le terrain sur le mont des Oliviers. Décédée en 1889, la princesse sera inhumée en 1957 dans le cloître de l’église construit par Viollet-Le-Duc.
Autre église faisant partie du domaine national français, l’Église Sainte Anne, une église romane construite par les Croisés dans la vieille ville. C’est en 1856 que l’Empire ottoman offre cette église à la France pour la remercier de son aide lors de la guerre de Crimée. Confiée à des missionnaires, le lieu a abrité un séminaire de formation de prêtres pendant des décennies.
Administré par les Pères blancs, le site a été deux fois le lieu d’incidents entre la France et Israël, largement repris par la presse internationale, lors des visites présidentielles de Jacques Chirac en 1996, quand ce dernier a refusé d’y entrer si des soldats israéliens étaient présents, puis en 2020 quand Emmanuel Macron à son tour a exigé que les services de sécurité israéliens le laissent entrer seul dans l’église.
Une messe y est célébrée chaque année, le 14 juillet, en présence du consul général de France à Jérusalem.
Le site le plus polémique est le Tombeau des Rois
Il est situé à quelques centaines de mètres de la vieille ville et qui a été offert à la France par les frères Pereire en 1886. Ce mausolée abrite des dizaines de tombes, dont celles de la reine Hélène d’Adiabène, convertie au judaïsme et, selon la tradition juive, celles de Kalba Savoua et Nakdimon Ben Gourion, deux mécènes juifs de l’époque du second Temple. Offert à la France mais censé être ouvert aux pèlerinages juifs, le Tombeau des Rois a été au cœur d’une polémique avec les autorités israéliennes qui estiment que la France, qui a fermé le site aux visiteurs pendant des années pour travaux, a failli à la mission que lui avait confiée les Pereire, mécènes juifs importants de la fin du XIXe siècle. Évoqué par Flavius Josèphe, le site est mentionné à travers l’histoire par des historiens et voyageurs illustres, tel Chateaubriand. Pourtant, la propriété de la France sur ces lieux n’a jamais été remise en question par Israël.
Le consulat de France
Quand le consulat français est réaménagé hors des murs de la vieille ville, il est construit proche du quartier « français ». Le consulat de France est lui installé dans un bâtiment assez récent, puisque datant de 1932, tout près de l’hôtel King David et face aux murailles de la vieille ville. La rue du consulat est nommée au nom d’un ancien consul, Paul-Emile Botta (1802-1870). C’est en 1889, que le gouvernement turc autorise l’ouverture d’une nouvelle porte — qui porte toujours ce nom — pour relier le quartier français au quartier chrétien à l’intérieur de la vieille ville. Le consul général de France à Jérusalem est chargé de la circonscription de la ville sainte et des territoires administrés par l’Autorité palestinienne. Il est le seul consul étranger à inaugurer son poste par une entrée solennelle au Saint-Sépulcre, la France restant traditionnellement gardienne des lieux saints catholiques et reste chargée de l’entretien et la protection du domaine national français à Jérusalem.
Notons aussi que la France a deux instituts à Jérusalem, l’Institut Chateaubriand à l’est et Romain Gary, proche du consulat, ainsi que le CRFJ — Centre de recherche français de Jérusalem — qui dépend du CNRS.
Enfin, on trouve à Jérusalem de nombreuses rues portant le nom de personnalités françaises comme Émile Zola, Adolphe Crémieux ou le général Pierre Koenig.